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Libération
L'édito de Paul Quinio

Pollution de l’air : l’enfumage des lobbys automobiles à Bruxelles, un cas d’école

L’examen de la norme Euro 7, le 8 novembre au Parlement européen, a fait l’objet d’un véritable lobbying des constructeurs, vidant le texte de toute sa substance sanitaire et écologique.
Chaque année, la pollution atmosphérique fait 200 000 décès prématurés dans l’Union européenne. (Montage Libération/Getty Images )
publié le 6 novembre 2023 à 21h09

C’est quasiment un cas d’école. A partir de mercredi 8 novembre, les eurodéputés devront débattre de la norme Euro 7 qui va réglementer dans les années à venir le niveau d’émissions émises par les moteurs des véhicules diesel et à essence. Ils devront ensuite décider s’ils s’alignent sur la position de la Commission ou sur celle d’eurodéputés écolos, d’ONG et de maires de grandes villes qui dénoncent un potentiel scandale de santé publique, tant le projet de texte qui va leur être soumis s’affranchit des recommandations de l’Organisation mondiale de la santé et donnerait aux constructeurs automobiles, c’est leur expression, un «permis de tuer».

En quoi est-ce un cas d’école ? Au départ, le projet de nouvelle réglementation était plutôt ambitieux pour lutter contre la pollution et donc ses impacts sur le dérèglement climatique. A l’arrivée, hormis des dispositions qui concernent l’émission des particules générées par l’usure des freins et des pneus, il a été vidé de sa substance, s’alignant quasiment sur la réglementation actuelle Euro 6. Entre-temps ? Les constructeurs automobiles européens sont entrés en action, en sortant les grands moyens. Chantage au développement d’une vraie filière électrique, impact sur l’emploi, investissements prétendument disproportionnés, surcoûts surévalués pour les clients, remises en cause des effets attendus d’un durcissement des normes. Tout et tout le monde y passent, des hauts fonctionnaires en charge de ces dossiers aux commissaires ou vice-présidents de la Commission.

Un vrai travail d’experts… en lobbying, couronné de succès. S’en étonner reviendrait à se coller une étiquette «naïf» sur le front. Le lobbying à Bruxelles est un sport national, qui s’exerce avec pignon sur rue, de façon beaucoup plus réglementée d’ailleurs qu’en France. C’est une des questions que soulève notre enquête menée en collaboration avec d’autres titres de presse européens : les règles de transparences ont-elles bien été respectées ? Et l’auraient-elles été que, pour le grand public, cette bataille-là s’est tout de même déroulée dans l’ombre. Rappelons que la pollution de l’air due aux particules fines cause chaque année plus de 200 000 décès prématurés dans l’Union européenne. Et celle générée par le dioxyde d’azote près de 50 000.