C’est le miracle que les électeurs démocrates désespéraient de voir s’accomplir. Kamala Harris emballe les foules, du moins pour l’instant. Et soudain tout paraît possible, y compris battre un Trump à qui rien ne semblait devoir résister. Reconnaissons qu’il y a quelque chose de rafraîchissant à voir cette femme puissante à la peau sombre, rire facile aux lèvres et (relativement) jeune, endosser si vite et si naturellement le costume de possible présidente. C’est comme si toute la tension accumulée ces derniers mois à la vue d’un Joe Biden considérablement affaibli et manifestement incapable d’entamer un nouveau mandat s’évaporait d’un coup. Et avec elle l’angoisse d’un monde dominé par Trump, Poutine et Xi. Non, ce monde-là n’est pas inéluctable, et nous aurions tort de ne pas savourer ce moment de grâce.
Ceci étant dit, rien n’est encore gagné. Il reste trois mois à tenir avant l’élection présidentielle. Et trois mois, c’est long pour quelqu’un qui n’a pas l’habitude d’être en première ligne. D’ici au 5 novembre, chacun des mots et des gestes de Kamala Harris va être scruté et disséqué à l’envi. L’actuelle vice-présidente est au fond assez méconnue, mais c’est plutôt une force car elle suscite l’intérêt, contrairement à Trump dont on connaît la moindre frasque. Elle n’a jamais été mise en avant sous le mandat de Joe Biden, ce qui a longtemps été interprété comme un signe d’incapacité à en faire davantage, mais peut apparaître aussi comme un gage de loyauté. Elle va surtout devoir évoluer entre toutes les chausse-trappes du conflit au Moyen-Orient, dossier sur lequel Joe Biden a eu bien du mal à garder une position médiane, pris en tenailles entre une jeunesse démocrate très propalestinienne et une vieille garde démocrate très attachée à la défense d’Israël. Le choix de son vice-président est un premier test. Bien plus important qu’il n’y paraît. Donald Trump s’est rendu compte trop tard qu’il n’avait pas sélectionné la meilleure personne pour l’épauler, elle sait donc ce qu’il ne faut pas faire.