François Ruffin sort donc du bois en se disant, dans l’entretien qu’il a accordé à Libération, favorable à l’organisation d’une primaire à gauche pour désigner un ou une candidate à la présidentielle de 2027. Et l’ancien insoumis se dit convaincu de l’emporter. Il ne pouvait évidemment pas dire le contraire, mais le simple fait qu’il l’affirme de manière aussi nette est intéressant. Car si François Ruffin suscite depuis quelques années maintenant de l’intérêt, et pas seulement de la sympathie, il continue de flotter autour de lui une interrogation quant à sa détermination à peser vraiment, à aller jusqu’au bout d’une démarche politique qu’il aime aussi pratiquer dans les marges. Indécis et velléitaire sont des adjectifs qui lui collent encore à la peau. Question de parcours. Question de personnalité. Il dit là vouloir y aller vraiment. Rien n’indique, c’est trop tôt, qu’il y arrivera, mais un cap est franchi dans la détermination.
Au nom de l’impératif d’union à gauche face au risque de victoire de l’extrême droite, il dit vouloir cette primaire ouverte «de Poutou à Hollande». C’est-à-dire Jean-Luc Mélenchon compris. Le député de la Somme connaît trop le leader insoumis pour savoir qu’il n’y participera pas, pression populaire ou pas. En proposant cette primaire, en l’imaginant surtout comme «une fête» qui rassemble, un «moment de débordement», François Ruffin redit son désaccord profond avec la stratégie clivante du bruit et de la fureur choisie par Jean-Luc Mélenchon, son sectarisme aussi récemment décrit par le livre la Meute. Son espoir en réalité est qu’une telle primaire cornérise LFI et son patron. Comme il dit aussi qu’il respectera les règles de cette primaire si d’aventure il ne l’emportait pas, François Ruffin continue de jouer l’ouverture vers la gauche sociale-démocrate… tout en restant fidèle à sa ligne de rupture avec le libéralisme.
Il arrive aussi, et c’est une réponse aux défaillances de la gauche, avec son souci de reparler aux ouvriers, aux auxiliaires de vie, aux femmes de ménage, à ce monde du travail capté par le RN. Il assume de vouloir une gauche qui parle de sécurité et de nation. En proposant cette primaire, François Ruffin acte qu’il lui fallait bouger. Reste maintenant à savoir s’il est assez fort pour faire bouger la gauche…