«C’est un miracle qu’il n’y ait pas d’autres accidents comme celui de Brétigny en France.» Cette phrase, nous l’avons trop entendue depuis le déraillement du train Intercités Paris-Limoges n°3657, le 12 juillet 2013. Cette catastrophe ferroviaire qui a coûté la vie à sept personnes, fait plusieurs centaines de blessés et dont le procès se tient depuis un mois, sans faire grand bruit.
On l’a entendue en mars dans la bouche des rapporteurs de la commission des finances au Sénat, Hervé Maurey et Stéphane Sautarel. Entre la vétusté de certaines lignes et le sous-investissement chronique, ils s’étonnent dans leur rapport que des drames ne surviennent pas plus souvent sur les milliers de kilomètres de voies les plus délaissés parmi les 30 000 que compte le réseau SNCF.
On l’a entendue dans la bouche des cheminots qui ont accepté de se confier à Libération en espérant que les vraies questions soient enfin abordées dans ce procès. Le mauvais état des voies, les réparations mal faites, et la diminution des coûts font toujours partie de leur quotidien. Ces conducteurs de RER et TER ont intériorisé le risque. La preuve : ils lèvent d’eux-mêmes le pied, pour éviter que «ça tape».
On l’a entendue dans le témoignage inédit d’un responsable de l’époque qui a décidé de tout déballer dans nos pages. Pierre Serne, vice-président de la région Ile-de-France en charge des transports à l’époque, est le premier à dire tout haut ce qu’un certain nombre de cadres de la SNCF savent, mais qu’aucun n’assume publiquement. Il dit l’impossibilité de mener de front l’entretien de l’ancien et les créations de nouvelles lignes exigées par l’Etat. Il dit le manque d’effectifs. Pourtant, l’Etat continue à subventionner à grands frais de nouvelles lignes TGV alors que la rénovation des voies les plus anciennes n’est toujours pas assurée. Une injonction contradictoire, alors que les enjeux climatiques font des trains du quotidien une priorité. Près de neuf ans après, tout un secteur, les victimes et leurs proches attendent des réponses.