Dans la nuit du 15 au 16 décembre 2020, une femme s’est volatilisée de sa maison dans sa petite ville de Cagnac-les-Mines : Delphine Jubillar, jeune infirmière de nuit dont le regard myope va hanter des centaines d’enquêteurs et dont le destin est minutieusement reconstruit dans les 27 tomes du dossier judiciaire. Dans le procès événement qui s’ouvre lundi à la cour d’assises du Tarn à Albi, un seul accusé : son mari, Cédric Jubillar, plaqueur de son métier, qui avait téléphoné à 4 h 09 à la gendarmerie pour déclarer, en larmes, ne pas savoir où était sa femme.
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«Mais pourquoi le public prend-il tant de plaisir à ces crimes ?» demandait l’éditorialiste de la Petite Presse en 1861, répondant avec condescendance «parce qu’il s’ennuie». Mais peut-on expliquer la fascination nationale autour de l’affaire Jubillar – plus de 300 journalistes se sont inscrits pour suivre le procès – seulement par les contraintes du confinement, par la titillation permanente des procès-verbaux révélés par la presse, par les détails révélateurs livrés par les proches du couple, avec de nouveaux personnages entretenant le suspense – «l’amant», «le confident», «Cathy», le «codétenu», la «nouvelle compagne» – et par l’absence saisissante des éléments habituels dans ce fait divers qui pourrait être un féminicide, comme il pourrait être une erreur judiciaire atroce, sans cadavre, sans aveux, sans scène de crime et sans preuve matérielle irréfragable ?
En détention provisoire depuis quatre ans, Cédric Jubillar encourt la réclusion à perpétuité. Les chercheurs nous expliquent que les faits divers servent souvent de miroir aux lecteurs anxieux des changements rapides de la société à laquelle ils appartiennent. Ils normalisent les mœurs, renforçant une aspiration réelle à l’idée d’une justice infaillible et à un monde meilleur. Mais ces attentes peuvent-elles toujours trouver une réponse satisfaisante.