Une autre digue est tombée. Celle qui historiquement distinguait le vote masculin et le vote féminin pour l’extrême droite en France. Rebutées par la misogynie et la violence de Jean-Marie Le Pen, les Françaises ont longtemps été réfractaires au vote Front national. Aujourd’hui, elles votent autant en faveur du RN que les hommes. La stratégie de Marine Le Pen a porté ses fruits : en utilisant son genre et sa vie de femme divorcée avec enfants, elle a fait oublier le virilisme de son père. Jordan Bardella vient parachever ce ripolinage en abattant ses cartes de «gendre idéal» et en osant les adresses «à toutes les femmes de France» pour «garantir» «leurs droits et leurs libertés».
Les votes, positions et propos des responsables du parti ne manquent pas pour pouvoir, objectivement, déclarer que l’extrême droite est antiféministe et synonyme de recul des droits des femmes. C’est d’ailleurs ce que vivent dans leur chair nos voisines en Pologne ou en Hongrie ou, plus proche de nous, les associations féministes en terres RN. Mais ces alertes n’y font rien : les messages de l’extrême droite trouvent un écho favorable chez celles qui sont plus durement touchées que leurs congénères par les inégalités. On rappelle que les femmes représentent la moitié de la population mais 57,7 % des Français les plus pauvres. A la retraite, elles le sont plus encore. Et que dire des violences sexuelles ? 85 % des victimes enregistrées pour violences sexuelles hors cadre familial sont des femmes et plus de la moitié sont mineures. Ça, le RN l’a bien en tête.
Le problème est qu’il fait systématiquement le lien entre ce fléau et l’immigration. En répétant, dès que possible, que les agressions sexuelles ont lieu dans l’espace public, que les femmes ne peuvent ni arpenter les rues ni prendre les transports sans être les victimes «d’étrangers violeurs», le RN se fait passer pour le défenseur des femmes tout en attisant la haine de l’autre. Plus vicieux encore : il laisse penser aux électeurs du sexe opposé qu’ils ne sont pas racistes mais féministes et qu’ils protègent «leurs femmes» en glissant un bulletin RN dans l’urne. L’infamie n’a vraiment aucune limite.