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Libération
L'édito de Hamdam Mostafavi

Rachat de SFR : derrière les manœuvres financières, l’ombre d’une casse sociale

Tandis que les trois opérateurs principaux, Free, Bouygues et Orange, tentent de se tailler la part du lion avec une offre de rachat, les milliers d’employés de l’entreprise, eux, plongent dans l’incertitude.

Si l'offre de Free, Bouygues et Orange a été immédiatement rejetée, elle augure d’un début de négociation pour faire monter les enchères. (Coco/Liberation)
ParHamdam Mostafavi
Directrice adjointe de la rédaction
Publié le 15/10/2025 à 20h50

C’est ce qui ressemble de plus en plus à l’histoire d’une mégalomanie qui a mal tourné. Celle d’un homme d’affaires qui n’a cessé d’accumuler les sociétés, les marques, les projets, soutenu de manière presque irrationnelle par les banques, s’endettant jusqu’au péril. Sans doute le capitalisme dans sa plus simple expression : des prêts concédés sur les futurs bénéfices des entreprises rachetées, et des projets de rationalisation et de cost-killing comme base de réussite. Le modèle a montré ses limites, en tout cas pour les entreprises, la fortune personnelle – une des 20 premières de France – que Patrick Drahi s’est bâtie n’étant, elle, pas affectée.

Cette frénésie d’achat s’est soldée par la cession progressive des actifs de l’homme d’affaires franco-israélien (parmi eux Libération, dont il était actionnaire jusqu’en 2020), par l’arrivée au capital de SFR de créanciers tels que le fonds d’investissement BlackRock, et par une offre de rachat des autres acteurs du secteur – Free, Bouygues et Orange – prêts à dépecer la bête en fonction de leurs intérêts. Si cette offre a été immédiatement rejetée, elle augure d’un début de négociation pour faire monter les enchères. Cette solution inquiète les syndicats, qui craignent de voir les emplois disparaître si les différentes branches sont acquises par des entreprises disposant déjà des ressources en interne – sans parler de la concentration des télécoms. Mais l’alternative interroge aussi. La venue d’un investisseur étranger pose de légitimes questions de souveraineté économique pour un domaine qui implique des infrastructures sensibles.

Au milieu de cette équation économique se trouvent des personnes inquiètes pour leur avenir, et d’abord les 8 500 salariés de l’opérateur. Le dossier retient déjà l’attention de Bercy, qui aura fort à faire pour qu’il ne devienne pas aussi un objet de controverse politique à dix-huit mois de la présidentielle. Une crainte partagée par les financeurs et la direction de SFR, conscients que la pression de l’opinion pèse lourd dans ces dossiers mêlant souveraineté économique, secteur stratégique et casse sociale. L’affaire est loin d’être dénouée, et les abonnés de SFR ont encore le temps avant de voir leur tonalité changer.