Il faut saluer sans barguigner l’initiative prise par Emmanuel Macron de reconnaître officiellement l’Etat de Palestine. Sans lui, cette idée qui traîne dans l’air depuis des décennies serait restée lettre morte. Sans lui, d’autres Etats majeurs n’auraient pas suivi, à l’image du Royaume-Uni, du Canada et de l’Australie qui ont reconnu la Palestine dimanche 21 septembre. Le président français aura mis du temps à comprendre l’importance de cette décision, d’abord fasciné par le côté «start-up nation» d’Israël et désireux surtout de bousculer les us et coutumes du Quai d’Orsay. L’intensification des bombardements sur Gaza couplée aux projets messianiques des dirigeants israéliens visant à récupérer l’ensemble des territoires palestiniens après les avoir vidés de leurs habitants a eu raison de ses hésitations. Il fallait marquer le coup, faire ce qu’aucun président français avant lui n’avait osé faire, prendre le lead de cette partie du monde indignée par la tragédie en cours à Gaza. Marquer l’histoire.
Il l’a fait, ou plutôt il va le faire ce lundi à la tribune de l’ONU et il n’est pas impossible que, ce faisant, il cherche aussi à restaurer son image pâlie par ses échecs intérieurs. Tout cela posé, qu’est-ce que cela va changer pour les Palestiniens ? Tout et rien à la fois. Tout, parce que les Palestiniens, aujourd’hui, n’ont plus rien. Ils sont affamés, chassés de leurs terres, tués par dizaines tous les jours ou presque, ils ont perdu leurs souvenirs, leurs écoles, leurs hôpitaux et leurs champs. Cette reconnaissance leur redonne une place dans le monde, une légitimité, des droits. Rien, parce que cela n’empêchera pas les dirigeants israéliens de continuer à bombarder Gaza et à annexer la Cisjordanie, au contraire même, cela risque d’aviver la rage des extrémistes qui luttent depuis des décennies contre la création d’un Etat palestinien, Nétanyahou au premier chef qui a affirmé dimanche que cette reconnaissance «met en danger Israël».
Selon lui et ses nombreux soutiens, il s’agirait d’un cadeau au Hamas. C’est tout l’inverse vu que cette reconnaissance est assortie de deux conditions : l’exclusion du Hamas et son désarmement. Et elle s’inscrit dans cette fameuse «solution à deux Etats» qui verrait Israël et la Palestine vivre leur vie chacun de leur côté, ce qui serait la meilleure garantie de leur sécurité. Elle paraît aujourd’hui irréaliste mais ce serait tragique pour les deux peuples d’y renoncer. Pour cela, il ne faut pas se contenter de mots et de symboles, il faut désormais passer aux actes.