Ils n’ont donc rien appris. Déjà condamnés en première instance pour leur responsabilité dans un scandale sanitaire inédit dans son ampleur, les dirigeants du géant pharmaceutique Sanofi n’en seraient pas restés là, d’après l’enquête édifiante que Libération publie aujourd’hui. Dissimulations massives d’informations, mensonges collectifs face aux inspecteurs de l’Etat, modifications a posteriori de rapports internes : c’est un vrai système de mystification, parfaitement organisé et particulièrement perfide, qui aurait été érigé par Sanofi dans un second volet de l’affaire criminelle qui porte le nom d’un de ses médicaments phares, la Dépakine. Celui-ci est déjà tristement célèbre puisque le nombre de ses victimes en France est estimé à 30 000 par l’assurance-maladie et l’Agence nationale de sécurité du médicament, chiffre que conteste Sanofi.
Lundi 9 septembre, le laboratoire avait été condamné par le tribunal de Paris à verser près de 285 000 euros d’indemnités à la lanceuse d’alerte Marine Martin et ses deux enfants pour «défaut d’information» sur les risques de malformations et de retards de développement chez l’enfant causés par la Dépakine. Mais Sanofi, qui a annoncé vouloir faire appel, a lourdement utilisé son «défaut d’information» dans un autre volet de l’affaire, les rejets toxiques dans l’atmosphère dans son usine de Mourenx, entre 13 et 20 tonnes par an. Nos révélations détaillent les mesures extraordinaires qu’a prises le géant français non pas pour protéger les habitants des effets terribles dont il redoutait la publication, mais pour cacher aux autorités ses méfaits et protéger ses fabuleux bénéfices.
Comment agirait-on si on pouvait par un simple acte de volonté tuer un vieux mandarin habitant Pékin et dont la mort nous apporterait un pactole, demandent nos classiques, du Père Goriot au Comte de Monte-Cristo ? Sanofi pourrait devoir répondre devant la justice.