Mais de quel châtiment surnaturel ont-ils peur ? La foudre de Jupiter, alias Emmanuel Macron, qui, accroché à sa politique de l’offre, a érigé en tabou l’idée de la moindre augmentation des impôts ? Sans doute pas, tant la puissance de feu du chef de l’Etat n’est plus ce qu’elle était. Il s’agit plutôt pour eux de mettre Michel Barnier sous pression, à l’heure où ce dernier met son art du compromis et du dialogue à l’épreuve du réel gouvernemental. Eux ? Les Gabriel Attal, Gérald Darmanin et autres ténors de la macronie qui érigent depuis deux jours tout changement dans la politique fiscale «en ligne rouge» à ne pas franchir, sauf à prendre le risque de perdre leur soutien. Une perspective qui condamnerait immédiatement Michel Barnier.
Résultat de cette montée en tension entre soi-disant alliés : des rendez-vous au sommet annulés à la dernière minute et un sentiment de bazar à presque tous les étages. Le Premier ministre a renvoyé tout ce petit monde à ses «petites phrases» et usé de sa grosse voix pour dire que la situation financière dramatique de la France méritait mieux que ce théâtre. A mi-chemin entre le maître d’école et le vieux sage, la posture de Michel Barnier pèche néanmoins par le flou de ses intentions réelles en matière d’impôts.
Ses futurs ministres ou soutiens à l’Assemblée réclament d’y voir plus clair, on peut les comprendre : que cache l’évocation, dès sa nomination à Matignon, d’introduire un peu plus de «justice fiscale» ? S’il s’agit de relever le taux de l’impôt sur les sociétés, même certains au Medef, à voix basse certes, ne s’en offusquent pas. François Villeroy de Galhau l’a, lui, suggéré tout haut, à condition d’épargner les PME. Le gouverneur de la Banque de France, pour qui le pays n’a plus les moyens de ces baisses d’impôts non financées, estime aussi nécessaire d’augmenter l’impôt sur le revenu de «certains gros contribuables». Pendant ce temps, d’autres préfèrent s’accrocher comme des berniques à leur tabou.