Menu
Libération
L'édito d'Alexandra Schwartzbrod

Retour de la religion chez les jeunes : le baptême de l’ère ?

Dans un monde déstabilisant et angoissant, l’Eglise catholique attire de plus en plus la jeunesse. Un engouement qui en dit long sur la quête de sens et l’absence de foi en l’avenir des jeunes générations.
Lors d’une messe dans la chapelle de l’Université catholique de Lille, en février. (Stephane Dubromel/Hans Lucas)
publié le 26 août 2024 à 19h31

C’est une des nombreuses surprises de ces derniers mois : l’Eglise catholique attire de plus en plus de jeunes, si l’on en croit l’explosion des demandes de baptême dans cette frange de la population depuis cinq ans. Pour un esprit rationnel, c’est évidemment troublant, surtout si l’on pense aux multiples scandales, pédocriminels notamment, qui n’en finissent pas d’ébranler l’institution. Ou les nombreux interdits qui continuent à émaner de l’Eglise, de l’impossible mariage des prêtres à la condamnation de l’IVG en passant par le regard très ambigu porté sur l’homosexualité. Le monde actuel serait-il donc si déstabilisant et angoissant que la religion apparaisse comme l’ultime refuge des jeunes ? C’est sans doute l’explication principale.

Et ce n’est pas un hasard si le début de cet engouement date de la grande crise sanitaire de 2020 qui a forcé les individus du monde entier à interrompre le cours de leur vie pour s’enfermer, souvent seuls avec eux-mêmes face à une forme de grand néant qu’il fallait à tout prix combler sous peine de devenir fou. Certains ont (re)découvert les plaisirs de la cuisine et pris dix kilos, d’autres ont retapé leur logement de fond en comble au risque de se bloquer le dos, quelques-uns sont allés au plus simple et se sont tournés vers la religion qui, quoi qu’on en pense sur le fond, a le mérite d’offrir un cadre quand tout semble flotter autour de soi. Pour une génération convaincue que le futur sera bien pire que le présent, la religion peut donner un sens – ou l’illusion d’un sens selon ses convictions – à une vie qui peine à en avoir un. Il semblerait d’ailleurs que le catholicisme ne soit pas la seule religion à bénéficier de cet engouement, elle est juste une des rares à communiquer sur le sujet. Cette tendance, en tout cas, ne devrait pas être prise à la légère, elle en dit long sur une absence de foi en l’avenir des plus jeunes et surtout un besoin d’ancrage et d’espérance que les politiques comme la société civile devraient se mettre en capacité d’assouvir.