Il y a tout juste vingt ans, le 27 octobre 2005 à Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), la mort de deux adolescents est devenue le symbole d’une fracture toujours vive entre la jeunesse des quartiers populaires et les institutions. Zyed Benna et Bouna Traoré sont morts électrocutés dans un transformateur EDF, et vont mourir une deuxième et troisième fois, exécutés par des accusations infondées et bourrées de préjugés sociaux sinon racistes du ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy, puis du Premier ministre Dominique de Villepin. Celui-ci a pris le temps de réfléchir avant d’annuler un voyage prévu au Canada, puisqu’il lui a fallu pas moins de six jours pour conclure que quelque chose urgeait tout de même autour de lui. Les révoltes de 2005 se propageant rapidement hors de la Seine-Saint-Denis, fournissaient pour certains dans la presse de droite – et pour nombre de médias anglo-saxons – la preuve que la société française se fracassait de l’intérieur.
Malgré des investissements massifs, que la Cour des comptes estimait alors à 30 milliards d’euros, la banlieue (dite «immigrée» même à la troisième génération de citoyens français) se retrouvait aux marges de la République, une mise à distance culturelle tout autant qu’économique, historique ou sociale. ZUP, ZEP ou ZUS, selon les euphémismes en usage, n’avaient rien changé aux réalités d’exclusion, d’insécurité et de chômage dont étaient victimes ses habitants. De quoi Clichy-sous-Bois est-elle le symbole aujourd’hui ? Vingt ans plus tard, ont constaté nos journalistes, les inégalités persistent, le chômage reste trop haut, mais la ville est le théâtre d’une vaste opération de renouvellement urbain, l’investissement public se compte en centaines de millions d’euros et les politiques coupent à foison les rubans d’inauguration. Après les visites qui n’ont rien réglé de François Hollande et d’Emmanuel Macron sur place, ce sont finalement nos institutions – élus locaux, enseignants, fonctionnaires, médiateurs sociaux et bien d’autres – qui ont permis aux habitants de Clichy-sous-Bois de se sentir en République.