Alix (1), Serge D, Mickael B, et Olivier (1) ont tous les quatre été grièvement blessés le 25 mars 2023 à Sainte-Soline. Ils participaient à la manifestation interdite contre le chantier contesté d’une mégabassine. Alix a été hospitalisée dans un état préoccupant. Une grenade a fracassé sa mâchoire et plusieurs os de son visage, puis a explosé sur ses jambes. Alix, comme les trois autres blessés, a porté plainte.
Ces victimes, on ne les voit pas dans les images rassemblées dans le cadre l’enquête préliminaire qui a suivi, pour violences aggravées et non-assistance à personne en danger. Elles sont hors du champ des caméras piétons des gendarmes. Un dispositif vidéo qu’ils actionnent eux-mêmes, volontairement ou par accident.
Libération et Mediapart ont pu avoir accès à ce matériel vidéo d’intérêt public. Des dizaines d’heures d’images qui permettent de comprendre, de l’intérieur, les actes et l’état d’esprit des gendarmes à Sainte-Soline.
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Deux ans et demi plus tard, alors que les investigations touchent à leur fin, les gendarmes coupables des tirs restent introuvables. Mais l’enquête que nous publions révèle des consignes de la hiérarchie militaire de tirs tendus formellement interdits car dangereux et potentiellement mortels. Des dizaines de commentaires inappropriés et d’insultes. Et surtout, la cruauté voire l’inhumanité de certains gendarmes indifférents au sort des blessés, à la présence d’enfants dans le cortège et jubilant de blesser, y compris en «pleine tête». L’envie de faire mal. «Ah putain, le kif…»
Les propos les plus accablants sont filmés «à froid», précisons-le, et non pas au pic des affrontements entre les militaires et les militants écologistes qui ont fait 45 blessés déclarés chez les gendarmes et environ 200, dont 40 gravement, parmi les manifestants.
A la vue de ces images, l’Inspection générale de la gendarmerie nationale en charge de l’enquête aurait pu signaler au parquet ces éléments : elle n’en a rien fait. Aucun gendarme n’a été interrogé sur ces vidéos dévoilant les multiples ordres de tirs tendus. Et l’absence d’audition de suspect ouvre la voie à un potentiel classement sans suite du dossier. Plus largement, sur le fiasco de Sainte-Soline, aucun responsable politique ne s’est encore expliqué. Face à de telles preuves, désormais publiques, le ministre de l’Intérieur a demandé une enquête administrative. Comment pourrait-on en rester là ?
(1) Les prénoms ont été modifiés.