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Libération
L'éditorial de Hamdam Mostafavi

Shein, le lobbying XXL

Examinée à partir de lundi au Sénat, la proposition de loi sur l’impact environnemental de l’industrie de la mode subit les assauts du géant chinois. Avec en tête de pont l’ex-ministre Christophe Castaner ou l’influenceuse Magali Berdah.
Dans un appartement parisien en mars 2024. (Stéphane Lagoutte/Myop pour Libération)
publié le 30 mai 2025 à 21h17

Une campagne de lobbying intense : des sénateurs qui reçoivent une pseudo-étude d’impact, des influenceurs achetés pour des campagnes de com, des politiques recrutés pour faire la promotion de la marque… Shein, géant chinois de l’ultra-fast fashion, ne recule devant rien pour faire plier la loi française à ses désirs. Faisant fi de toute décence dans ses pratiques et son impact environnemental, la marque est devenue leader sur le marché de l’habillement avec ses fringues ultra-périssables à un moment où les enseignes de mode ne cessent de fermer. Adopté en mars 2024 à l’Assemblée, le texte qui sera étudié à partir du 2 juin au Sénat a été en grande partie réécrit, diminuant de fait son impact. L’affichage environnemental des vêtements, mis en place à l’été, devait déterminer les pénalités pour les enseignes en fonction du score, ce qui ne sera plus le cas.

La marque avait lancé il y a quelques semaines une grande campagne de communication dans la presse (refusée par plusieurs journaux dont Libération). Et, ces derniers jours, les parlementaires ont reçu une «étude» commandée par la marque qui s’inquiétait de l’impact de la loi sur le pouvoir d’achat des Français. Alors que l’écologie est attaquée de toute part au nom du pouvoir d’achat, n’est-il pas temps au contraire d’éduquer la génération des acheteurs – normalement plutôt écolo-consciente – sur le fait qu’il est anormal qu’une enseigne puisse proposer 1 000 ou 2 000 nouvelles références par semaine ? L’étalage et le ciblage sur les réseaux sociaux, l’illusion d’une mode accessible et la facilité d’acheminement des colis entretiennent le cercle vicieux.

Au-delà de la France, c’est aussi au niveau européen que se joue la bataille : l’Europe a proposé d’imposer des frais de deux euros sur chaque petit colis entrant en Europe (actuellement exemptés de droits de douane) avec, dans son viseur, Shein et également Temu, enseigne de décoration aux pratiques similaires. En France, le texte pourra revenir à l’Assemblée, il faut alors espérer que les députés retrouvent leur ligne initiale de fermeté.