Le Soudan fait partie de ces quelques enclaves et pays fermés à double tour où la guerre fait des ravages sans témoins extérieurs. Notre reporter a mis vingt mois pour obtenir un visa des autorités afin d’enquêter sur la vie quotidienne dans ce pays déchiré entre les Forces armées soudanaises (SAF) du général Al-Burhane et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (RSF) du général Hemetti. Après avoir essuyé plusieurs refus, il a enfin obtenu le précieux document. Mais travailler sur place reste difficile : il faut pointer chaque matin pour signaler sa présence, se voir adjoindre un «guide» qui n’aura ni ses yeux ni ses oreilles dans la poche, et subir d’incessants check-points.
Mais pour qui sait s’y prendre, tout est possible, ce qui donne un prix incalculable aux reportages que vous allez lire. D’autant que, même dans une agglomération comme Khartoum où règne un semblant de normalité, il n’est pas rare qu’une bombe lancée de l’autre côté de la ligne de front tue au hasard. C’est dans cette atmosphère que, malgré tout, de très nombreux civils ont fait le choix de la solidarité. Et c’est grâce à eux que la capitale soudanaise, laminée et épuisée par vingt mois d’une guerre atroce, tient encore debout. Des chirurgiens opèrent avec des bouts de ficelle à la seule lumière des téléphones portables, des cuisiniers préparent des chaudrons de riz et de lentilles pour les dizaines de milliers de déplacés, des ingénieurs bricolent des transformateurs pour tâcher de ramener la lumière… Ils refusent de participer à cette guerre particulièrement sale mais espèrent, s’il faut choisir un camp, que l’armée nationale finira par l’emporter. Ne serait-ce que parce que les paramilitaires des RSF, soutenus par les Emirats arabes unis, se livrent à de véritables atrocités, au Darfour notamment. Les Etats-Unis n’ont d’ailleurs pas hésité, cette semaine, à les accuser de «génocide».