Non, vous n’êtes pas passés sans vous en rendre compte de la lecture de Libération à la cinquième saison de la série danoise Borgen. Rien, dans tout ce que nous allons vous raconter, n’est de la fiction, même s’il faut parfois se frotter les yeux pour être sûr que nous ne rêvons pas. Cette semaine, le Groenland va recevoir tour à tour la visite, à partir de lundi 24 mars, du conseiller américain à la sécurité nationale, Mike Waltz, un proche de Donald Trump et, dès jeudi 27 mars, de la femme du vice-président J.D. Vance, Usha Vance, qui sera accompagnée d’un de ses enfants en bas âge, comme Elon Musk en a lancé la mode. Officiellement, il s’agit d’assister à la grande course nationale de chiens de traîneau et de découvrir la culture locale. Le tout, précédé et accompagné d’un vaste service de sécurité avec force voitures blindées débarquées d’avions de transport militaires Hercules.
Mais personne n’est dupe. Moins de trois mois après avoir fait publiquement part de son intention d’annexer le Groenland, ce que beaucoup avaient pris comme un de ses nouveaux délires, Donald Trump envoie ses émissaires en repérage. Pour prendre les mesures des fenêtres afin de mesurer la longueur des rideaux en quelque sorte. Car, grosso modo, le président américain est en train de mettre en œuvre tout ce qu’il s’est engagé à faire avant son entrée en fonction.
Analyse
Sur place, les Groenlandais sont inquiets face à ce hold-up. Mais ils ont tellement souffert de la colonisation danoise, qui continue à peser sur leur économie comme sur leur mental, qu’ils ont vu dans les déclarations de Trump le moyen de s’affranchir de la tutelle du royaume ou, au moins, de négocier avec Copenhague une coopération d’égal à égal. Il faut lire le reportage passionnant de notre envoyée spéciale à Nuuk pour comprendre l’envie d’indépendance de cette population majoritairement inuite et à qui l’on a appris à copier les manières de la famille royale danoise. Mais ce qui fait la force du Groenland, ses terres riches en minerais et notamment en terres rares, pourrait lui coûter cher. Ce trésor n’a en effet pas échappé à Trump qui gouverne davantage en pirate qu’en chef d’Etat.