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Libération
L'édito de Paul Quinio

Syrie : après la chute de Bachar al-Assad, l’obsession migratoire des démocraties européennes

L’urgence pour les capitales européennes a consisté à suspendre les procédures du droit d’asile. Un réflexe aussi xénophobe qu’irresponsable, vu le flou qui entoure l’avenir politique du pays.
Manifestation de soutien à la chancelière Angela Merkel à Berlin en 2016. Un homme se présentant comme réfugié syrien brandit une pancarte «J'aime madame Merkel, merci pour votre aide !» (Stefan Boness/IPON. SIPA)
publié le 11 décembre 2024 à 21h21

C’est un signe inquiétant des temps. Un révélateur de l’obsession migratoire en Europe. Un thermomètre de l’influence des thèses d’extrême droite. Moins de quarante-huit heures après la chute du tyran syrien Bachar Al-Assad, quel était le message principal envoyé par nombre de capitales européennes ? Que la fine fleur de sa diplomatie allait se réunir d’urgence pour anticiper sur une situation à l’impact considérable sur la tectonique des plaques régionales déjà plus qu’instable ? Que nenni. Que la priorité des priorités était de mettre en place une aide d’urgence pour secourir un pays certes soulagé par la fin d’une dictature atroce, mais dont 80 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, et où tout ou presque manque ? Que nenni. L’urgence pour Berlin, Rome, Bruxelles, Paris, Stockholm et consorts a consisté à suspendre les procédures du droit d’asile, voire à retirer leur statut à certains réfugiés, la palme revenant à Vienne, qui a carrément évoqué un programme d’expulsion vers la Syrie.

En France, l’extrême droite a immédiatement brandi la perspective d’un déferlement de migrants, le ministère de l’Intérieur évoquant de son côté «l’avalanche» de demandes d’asile. Qu’il est loin le «Wir schaffen das» («on peut le faire») d’Angela Merkel en 2015, quand les Syriens fuyaient par millions la répression d’Assad après la tentative de révolution populaire. Il faut rappeler que cet exil a d’abord et avant tout été un exil à l’intérieur de la Syrie, ensuite vers les pays de la région. En Europe, seule l’Allemagne a massivement accueilli des Syriens, dont, rappellent certaines voix raisonnables, le pays aurait du mal à se passer aujourd’hui, par exemple dans le secteur de la santé. En France, 700 demandes d’asile déposées par des Syriens ayant fui leur pays seraient actuellement à l’étude. On est loin, très loin d’une avalanche… Ce réflexe xénophobe des capitales européennes est d’autant plus inquiétant qu’en fonction de l’évolution politique à Damas, le droit d’asile sera peut-être dans quelques semaines pour certains Syriens une question de survie.