Même ses contempteurs le reconnaissent : il se passe avec la taxe Zucman un phénomène non pas inédit mais qui prend à rebours l’air du temps. Ce dernier, en France mais pas seulement, n’est pas franchement à gauche. Un vent frais populiste pousse malheureusement depuis plusieurs années maintenant des idéologies ultraconservatrices et réactionnaires sur le plan démocratique, politique, sociétal, ultralibérales et dérégulatrices en économie. Cette fameuse bataille culturelle dans laquelle la gauche perd du terrain.
C’est pourtant dans ce contexte que la taxe Zucman a réussi à s’imposer dans le débat français. Et s’imposer est peu dire. Qui, à part peut-être les astronautes de la station spatiale internationale, ne connaît pas le nom de Gabriel Zucman et surtout son idée de taxer à hauteur de 2 % les ultrariches ? C’est l’histoire de ce succès que Libération documente aujourd’hui. Il remonte à loin, et s’il s’explique en partie sur une stratégie de communication payante, il repose surtout, quoique en dise Bernard Arnault, sur des recherches universitaires longues et plus que sérieuses.
La gauche a donc raison de s’y accrocher, même si elle aurait tort d’en faire un totem indépassable à prendre ou à laisser. Le plus important dans cette succès story est en réalité assez simple : la taxe Zucman, approuvée dans les enquêtes d’opinion y compris par les électorats de droite et d’extrême droite, est un révélateur parfait du désir de justice, ce ressort historique de l’identité politique française. Et donc, en l’occurrence, de justice fiscale.
Si la taxe Zucman peut, dans tel ou tel de ses effets de bord, être discutée, ce qui ne peut pas l’être, puisqu’il s’agit d’un fait politique et statistique, c’est que les ultrariches bénéficient d’une fiscalité très très avantageuse. Et qu’ils ont été depuis des années plus que gâtés. Certains d’ailleurs le reconnaissent volontiers. Emmanuel Macron en a fait un totem de sa politique économique. Déjà, les impacts positifs sur la croissance se discutent, avec ce fameux ruissellement que pas grand monde n’a vu venir. Le chef de l’Etat veut-il en faire un vrai combat politique, et donc ne rien céder à ce désir de justice exprimé par l’opinion ? Le pari serait risqué.