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Libération
L'édito de Dov Alfon

Témoignages d’Auschwitz : 80 ans après, une parole plus que jamais vitale

L’indifférence quasi générale qui a accueilli la parole des rescapés de la Shoah en 1945 s’est progressivement dissipée au fil des décennies. Au moment où l’antisémitisme ne se cache à nouveau plus, elle ne doit pas se rétablir.
Le camp de concentration et d'extermination d'Auschwitz-Birkenau en 2007. (Sarah Bouillaud | hanslucas.com)
publié le 26 janvier 2025 à 20h16

Le 27 janvier 1945, les soldats de l’armée rouge ouvrent les portes du camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau et en libèrent les survivants. L’opinion mondiale découvre alors l’existence des camps d’extermination nazis, organisés à échelle industrielle. En France, où même le terme «rescapé» va faire débat, des voix vont très vite s’élever pour se plaindre qu’on en parle trop. En réalité, peu de journaux se sont émus de la découverte des camps. Parmi eux, le journal résistant Libération (dont les ayants droit nous feront bien plus tard l’honneur de nous céder leur titre), est pratiquement le seul à publier en première page un reportage sur ce qu’il appelle «Le camp de la mort lente», avec l’Humanité, qui publiait dès le 13 septembre 1944 un témoignage glaçant de l’intérieur du camp. L’opinion publique ne veut alors pas les écouter, nous explique dans une passionnante interview l’historien Tal Bruttmann, car elle n’a pas envie d’entendre ce que ces Juifs, résistants, communistes et tant d’autres ont vécu pendant la guerre. Elle n’en a pas plus envie aujourd’hui, quand les enseignements de ce 80e anniversaire sont largement ignorés.

En Europe, où ne vit plus que 10 % de la population juive mondiale, contre 60 % en 1939, les antisémites sont plus que ­jamais à l’offensive, revigorés par les massacres du 7 Octobre en Israël et par le réflexe ­immédiat d’imputer aux Juifs leurs terribles conséquences pour les Palestiniens. Les enseignants sont souvent peu armés pour aborder le sujet en classe, tant les formations sont tout aussi rares que les interpellations sont nombreuses. Les rescapées que nous avons réunies pour un entretien plein de tristesse – mais aussi d’espoir – le savent : le but de la commémoration d’aujourd’hui est avant tout de tirer d’Auschwitz des leçons pour le présent.