Les jours, les semaines, les mois passent et Boualem Sansal, à 80 ans, est toujours enfermé en Algérie, coupé du monde et malade du cancer. Une soudaine embellie dans la relation franco-algérienne, il y a quelques semaines, avait laissé entrevoir la possibilité d’une libération de l’écrivain : certains intermédiaires bien informés prenaient un air entendu pour murmurer que c’était une affaire de jours, voire d’heures, les deux présidents s’étaient enfin parlé et Emmanuel Macron se voyait déjà l’accueillir sur le tarmac de Villacoublay sous les flashs des photographes. Et puis le vent a tourné. Une nouvelle crise a tué cet espoir.
Le drame de Boualem Sansal, c’est qu’il s’est trouvé au mauvais endroit au mauvais moment, au confluent de crises, rivalités et rancœurs cuites et recuites qu’il ne maîtrisait sans doute pas toutes. Ou dont il n’imaginait pas qu’il pourrait en pâtir, lui qui se voyait dans les yeux des Algériens comme un simple «vieux fou». Certes, il y avait un contentieux à son sujet, le régime lui reprochait son franc-parler, sur la décennie noire notamment qu’il est interdit d’évoquer en Algérie, sa proximité avec Israël, lui qui avait osé se rendre à Jérusalem, et ses dernières déclarations sur le Maroc.
Mais comme le montre notre enquête, Sansal a payé aussi l’enkystement du passif franco-algérien, les erreurs d’appréciation d’Emmanuel Macron qui a soudain tourné le dos à Alger pour se rabibocher avec Rabat, les coups de menton de Bruno Retailleau, le succès de Kamel Daoud en France (l’autre écrivain honni par le régime), bref, le dossier est lourd à la base. Comment sortir de cette situation kafkaïenne, chacun des deux présidents se retrouvant prisonnier de ses (mauvais) choix ? Comment faire en sorte qu’aucun d’eux ne perde la face ? Comment redonner à Boualem Sansal sa liberté de parole ? Même si les mots «liberté» et «régime autoritaire» vont rarement bien ensemble, tout doit être entrepris, à tous les niveaux, pour libérer cet homme qui déclarait n’avoir jamais cessé d’«aimer son pays».