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Libération
L'édito de Dov Alfon

«Travailler plus» : un débat qui va croissant

A l’image des discussions autour de l’ouverture des boulangeries le 1er Mai, l’injonction à la productivité, poussée par le gouvernement, revient en force dans le débat public, passant sous silence la qualité de vie au travail.
Manifestation du 1er mai 2025, à Paris. (Cyril Zannettacci/VU' pour Libération)
publié le 1er mai 2025 à 21h06

Le geste est fatigant, mais il faut respecter la tradition : on pétrit le pain en étirant la pâte et en la repliant sur elle-même, on altère le modèle social en regrettant que les Français ne travaillent pas assez. Répétez, ajoutez de l’eau, roulez en boule et reprenez le lendemain, la recette est invariable au fil des années, passant par «travailler plus pour gagner plus» de Nicolas Sarkozy à «une grande nation comme la France où nous voulons tous être prospères» de Bruno Le Maire. Le débat est de retour alors que le chômage repart à la hausse.

La seule nouveauté de ce 1er Mai, où la mobilisation était importante dans toute la France, réside dans les jérémiades des employeurs dans le secteur de la boulangerie, qui aimeraient bien faire une croix sur la loi de 1919 décrétant ce jour férié comme journée chômée. Ce sont pourtant précisément les ouvriers boulangers qui ont obtenu l’interdiction du travail de nuit au XIXe siècle, nous rappelle l’historien Etienne Hudon, preuve supplémentaire que la droite n’aime sauver que les traditions dont sa clientèle se partage les retombées.

En voici une donc, la tradition des faux débats autour de la productivité française : parler beaucoup de l’âge de la retraite et du nombre de jours chômés évite soigneusement d’aborder d’autres spécificités françaises – le conservatisme du patronat, le fétichisme des diplômes dans le processus d’embauche, le faible pouvoir d’achat des salariés et des retraités, l’écart salarial en entreprise et surtout, le mal-être au travail, qui explose chez les jeunes salariés comme chez les cadres supérieurs. Les manifestants que Libé a rencontrés dans les cortèges du 1er Mai l’ont bien compris, preuve que ce gouvernement est décidément bien dans le pétrin.