La guerre en Ukraine va maintenant connaître son quatrième hiver. Du côté russe, rien n’a vraiment changé – quelques avancées militaires ici, quelques reculades là, l’essentiel étant d’anéantir les centrales à gaz et électriques ukrainiennes avant le début du grand froid pour semer lassitude et démoralisation dans la population. Du côté ukrainien, en revanche, les méthodes de combat se sont métamorphosées. La dépendance aux missiles antichars Javelin et aux tanks occidentaux a disparu au profit d’un détournement massif et inédit de drones civils produits en Chine pour les amateurs de photographie et de vacances sportives en Europe. Les ingénieurs militaires ukrainiens ont considérablement élargi la portée de vol de ces drones innocents, renforçant leurs capacités offensives grâce à l’intelligence artificielle.
Echappant aux radars russes, contournant le brouillage électronique censé les rendre inopérants, les drones ukrainiens ont bombardé cette semaine leurs cibles jusqu’à Moscou, menaçant le bureau de Vladimir Poutine au Kremlin. La nature de la guerre en a été profondément modifiée, et l’Ukraine est devenu sans le demander le laboratoire privilégié de ce nouveau monde : alors que la Chine assurait jusqu’ici 80 % de la production mondiale de drones, l’Ukraine a produit l’année dernière plus de 2 millions de ces armes, près de la moitié de ses besoins, et pourrait en fabriquer l’année prochaine 8 millions de plus.
Notre correspondant à Kyiv a pu le constater, en assistant à la première compétition nationale de pilotes de drones dans la province de Podolie, ce sont tous des soldats qui s’affrontent par fierté pour leur nouveau savoir. Pour le meilleur ou pour le pire, l’Ukraine et l’Europe ont désormais besoin l’une de l’autre, pour se défendre avec brio des ambitions démesurées d’un ours blessé mais toujours sanguinaire.