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Libération
L'édito de Paul Quinio

Un million de signatures contre la loi Duplomb : un sursaut citoyen salutaire

En plus d’être une initiative forte, le texte qui dit non à l’acétamipride impose le débat sur les contradictions de nos modèles économiques et agricoles.
Un rassemblement écologiste aux Invalides le 8 juillet. (Xose Bouzas/Hans Lucas)
publié le 20 juillet 2025 à 15h57
(mis à jour le 20 juillet 2025 à 17h50)

Du jamais vu. Depuis 2019 et l’instauration dans le règlement de l’Assemblée nationale d’une plateforme pouvant accueillir des pétitions citoyennes ayant recueilli plus de 100 000 signatures, jamais le seuil des 500 000 pétitionnaires, qui ouvre la possibilité d’un débat parlementaire, n’avait été atteint. Et moins de deux semaines après l’adoption de la loi dite Duplomb visant à «lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur», le compteur continuait de s’affoler à un rythme effréné. Le million de personnes apposant leur nom pour dire non à l’acétamipride a été atteint ce dimanche peu avant 18 heures.

En plein cœur de l’été, cette mobilisation citoyenne contre ce pesticide dont l’usage est réautorisé par la loi malgré ses impacts sévères sur la biodiversité et ses dangers potentiels pour la santé humaine, est une bonne nouvelle. Elle contredit de manière spectaculaire le sentiment de désengagement et de désintérêt citoyen à l’égard de la politique. Un nouvel outil démocratique participatif existe, des citoyens s’en saisissent : clap clap ! Seuls ceux qui préfèrent fermer les yeux sur la gangrène du déclin démocratique s’en plaindront. Rappelons au passage que la loi Duplomb a été adoptée sans véritables débats, après qu’une motion de rejet a été votée par… les partisans du texte. Une subtilité parlementaire qui revient donc à la figure de la majorité (relative) macroniste avec cette motion de rejet d’un autre genre que constitue la pétition.

Il existe une autre raison de se réjouir de cette mobilisation citoyenne : elle met sur la table, et de quelle manière, les débats compliqués, liés à la transition écologique, que la loi Duplomb a préféré mettre sous le tapis. Le texte du sénateur LR est un exemple caricatural d’un «Circulez, il n’y a rien à voir ni à changer dans notre modèle agricole». Les lobbys économiques, notamment agroalimentaires, pensaient pouvoir faire «comme d’hab» leur travail d’influence. C’est raté. Et l’opposition à laquelle ils font face n’est pas uniquement militante, politique, syndicale ou associative. Des scientifiques, des juristes, des enseignants, des étudiants s’en mêlent. En fait, cette pétition installe l’idée qu’un backlash au backlash écologique est possible. Elle est salutaire en ce sens qu’elle impose le débat, la confrontation avec les contradictions de nos modèles économiques, agricoles. Et l’argument en faveur de la loi Duplomb de la distorsion de concurrence avec certains pays européens qui pénalise les agriculteurs français, s’il ne peut pas être balayé d’un revers de main, ne peut pas servir de matraque pour disqualifier tous les autres.