Après les bombardements, l’oubli. Un mois après la «guerre des douze jours», que deviennent les Iraniens ? Si la célèbre maison d’arrêt d’Evine a été partiellement détruite – occasionnant un grand nombre de victimes –, c’est tout le pays qui vit maintenant dans une prison à ciel ouvert. Comme tous les régimes moribonds, celui des mollahs s’en prend aux victimes qu’il lui reste. Le degré d’information des Israéliens dans la guerre qui s’est déroulée du 13 au 24 juin a prouvé qu’ils étaient très bien informés. Le régime se sait gangrené de l’intérieur et frappe à tout-va. Les pendaisons pour «espionnage au profit d’Israël» s’enchaînent à un rythme terrifiant tout comme les arrestations pour «collaboration avec l’ennemi». Il en faut peu pour se retrouver dans les geôles.
Un jeune Franco-Allemand, Lennart Monterlos, en a fait les frais, même si on ne sait toujours pas très bien de quoi le régime l’accuse. Les Français Cécile Kohler et Jacques Paris, retenus depuis mai 2022, ont été eux aussi inculpés d’espionnage. Après avoir caressé l’idée d’un changement de régime, Donald Trump semble avoir oublié l’Iran et tous les activistes iraniens risquent la mort. Le rappeur Toomaj Salehi, le journaliste Hossein Ronaghi, la militante kurde Pakhshan Azizi, la prix Nobel de la paix Narges Mohammadi sont quelques-unes des figures sur lesquelles s’acharne le régime d’Ali Khamenei. Derrière le discours anti-«espions», la république islamique tente de raviver le nationalisme. En attribuant par exemple tous les maux de la société aux Afghans, qui représentent depuis des décennies une importante communauté d’immigrés en Iran, déconsidérés et maltraités. Les discriminations ont changé d’ampleur : Téhéran organise des retours massifs vers l’Afghanistan.
Sur le front nucléaire, qu’a réglé la guerre ? Pas grand-chose. L’Iran a rompu avec l’Agence internationale de l’énergie atomique. On ne sait pas ce qu’est devenu son stock important d’uranium enrichi. Les négociations sur le sujet avec Européens et Américains sont au point mort alors que Téhéran ne cesse de réitérer son droit à l’enrichissement de l’uranium. Comme le montrent les témoignages que Libé a recueillis sur place, les Iraniens vivent dans la peur que les hostilités reprennent à tout moment. Il est à craindre que la suite leur donne raison, à moins que la diplomatie ne réussisse à rouvrir l’espace de discussion que les bombes ont annihilé.