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Libération
L'édito d'Alexandra Schwartzbrod

Visite du pape à Marseille : un geste ouvertement politique

Méditerranée, mortelle migrationdossier
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François se rend au plus près de la Méditerranée alors que les dirigeants européens se déchirent sur le cas de ces milliers de migrants arrivés à Lampedusa et dont personne ne veut, à commencer par la France.
Le pape François au Vatican, le 13 septembre 2023. (Guglielmo Mangiapane/Reuters)
publié le 21 septembre 2023 à 21h37

Pour nous, laïques convaincus et défenseurs d’un digne accueil des migrants, ce voyage du pape à Marseille est une bénédiction. Voilà enfin quelqu’un qui ose l’ouvrir et se mouiller pour une cause qui dépasse largement les petites mesquineries et les petits arrangements politico-politiques auxquels nous sommes habitués en France et en Italie, une cause qui restera dans l’histoire comme une des grandes tragédies, une des grandes hontes de ce début de siècle. François l’a dit et redit : il ne vient pas en France, il vient à Marseille, au plus près de cette Méditerranée dans laquelle ont sombré depuis vingt ans des dizaines de milliers d’enfants, de femmes et d’hommes fuyant la guerre ou la misère.

C’est un geste ouvertement politique alors que les dirigeants européens se déchirent sur le cas de ces milliers de migrants arrivés depuis deux semaines à Lampedusa et dont personne ne veut. A commencer par la France, dont le ministre de l’Intérieur a affirmé très clairement qu’il n’était pas question d’accueillir la moindre personne arrivée dernièrement illégalement sur l’île italienne. Il est vrai que Gérald Darmanin essaie de défendre un projet de loi immigration qui ne se distingue pas vraiment par sa générosité et tente surtout de se forger un avenir présidentiel en lorgnant les futurs suffrages des sympathisants RN pour qui le simple mot de migrant est un repoussoir.

Tout juste sorti des dorures du château de Versailles et des embrassades avec le roi Charles III, Emmanuel Macron risque d’avoir du mal à afficher la même proximité avec le pape, espérons juste qu’il soit touché par la grâce et gagné par l’humanité de Bergoglio qui, lors de son premier séjour sur l’île de Lampedusa – quatre mois à peine après avoir été élu pape – avait vigoureusement dénoncé «la mondialisation de l’indifférence». C’était il y a dix ans. Et il a beau être pape, il n’est pas parvenu depuis lors à briser ce mur-là. Au moins ne renonce-t-il pas, c’est à porter à son crédit.