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Libération
L'édito de Dov Alfon

Vladimir Kara-Murza ou le refus de mourir sans alerter le monde

Le courage de l’opposant russe, qui résiste à cet appareil répressif qui le broie, porte l’espoir qu’une autre Russie émergera un jour.

Vladimir Kara-Murza est escorté pour une audience à Moscou, le 10 octobre 2022. (Natalia Kolesnikova/AFP)
ParDov Alfon
Directeur de la publication et de la rédaction
Publié le 05/06/2023 à 21h35

Il a perdu plus de 22 kilos en un an de détention. Vladimir Kara-Murza, l’un des opposants les plus virulents à Vladimir Poutine et son régime, sera encore une fois placé jeudi dans la cage qui sert de box pour les accusés dans les tribunaux russes. Il avait été condamné en avril à vingt-cinq ans de prison pour avoir dénoncé l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Sa réaction face à cette mascarade de justice mériterait de rester dans les annales : «Je souscris à chaque mot que j’ai prononcé. Je ne me reproche qu’une chose : qu’au cours de toutes mes années d’activité politique, je n’aie pas réussi à convaincre assez de mes compatriotes et assez de responsables politiques des pays démocratiques du danger que le régime actuel du Kremlin représente pour la Russie et le monde. Aujourd’hui, c’est devenu clair pour tout le monde, mais à un prix terrible – le prix de la guerre.»

Pour lui aussi, le tribut est lourd : en détention provisoire, il a déjà frôlé la mort à deux reprises après avoir été empoisonné en 2015 et 2017, des tentatives d’assassinat qui lui ont laissé de graves séquelles, et qu’il impute au pouvoir russe. Et maintenant, va s’ajouter pour cet opposant de très longue date de Poutine la perspective d’un envoi prochain dans une colonie pénitentiaire lointaine – son appel devrait confirmer sa sentence – et une santé toujours plus dégradée. Sa lettre de prison, envoyée juste avant son jugement à Jacques Maire, ancien député Renaissance et ex-président du groupe Alliance des démocrates et libéraux pour l’Europe (ADLE) au Conseil de l’Europe, envoie un message fort : une autre Russie est possible. Faut-il y croire ? Un autre opposant, Alexeï Navalny, vient d’avoir 47 ans. Dimanche, il passait son troisième anniversaire consécutif en prison. Le courage de ces hommes, qui refusent de mourir sans alerter le monde sur cet appareil répressif qui les broie, porte l’espoir qu’une autre Russie émergera un jour. Mais quand ?