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Libération
L'édito de Lauren Provost

Vladimir Poutine et le réveil de l’Etat islamique : un déni meurtrier

Attentat de Moscoudossier
Contrairement au président russe qui a choisi d’ignorer l’organisation terroriste dans son adresse au peuple samedi, les puissances occidentales suivent de près la résurgence du groupe, notamment depuis janvier et l’attentat de Kerman en Iran.
Vladimir Poutine dans une église près de sa résidence de Novo-Ogaryovo, le 24 mars 2024. (Mikhail Metzel/AFP)
publié le 24 mars 2024 à 20h21

Son silence est bien plus que l’expression du mépris. Vladimir Poutine a décidé d’ignorer l’Etat islamique malgré sa revendication de l’attaque meurtrière menée vendredi soir au Crocus City Hall près de Moscou, faisant au moins 137 morts et une centaine de blessés parmi le peuple russe. Il n’a pas dit un mot de l’organisation terroriste, ignorant ainsi l’analyse des experts. Tout comme le chef du Kremlin a fait fi des informations que lui a transmises le gouvernement américain au début du mois sur un projet d’attentat à Moscou, visant potentiellement de grands rassemblements, y compris des concerts.

Son discours de samedi, prononcé dix-neuf heures après les faits et sans se rendre sur place, était écrit pour que, devant leurs écrans, les Russes pensent que Kyiv était derrière cette attaque. Il s’inscrit en plein dans le narratif du Kremlin, cherchant à justifier depuis deux ans son «opération militaire spéciale» en Ukraine. Un endoctrinement géant dans lequel Vladimir Poutine persiste et signe au risque d’être en plein déni de la menace terroriste et du réveil de l’Etat islamique.

Mais le reste des puissances occidentales n’est heureusement pas dans le même état d’aveuglement. Elles suivent de près la résurgence de l’organisation terroriste et notamment de sa filiale Etat islamique au Khorassan (EI-K) qui, en l’espace de deux mois et demi, a frappé deux fois à l’international. Et fort. Début janvier, le groupe jihadiste a revendiqué l’attentat qui a fait près de 100 morts et 300 blessés à Kerman en Iran. Deux explosions ont fauché une foule de pèlerins près de la tombe du général Qassem Soleimani. Une attaque perpétrée par pure haine sectaire, les chiites iraniens n’étant pas considérés par les jihadistes sunnites de Daech comme de véritables musulmans. La seconde tuerie a eu lieu vendredi soir près de Moscou.

Cette attaque est d’ores et déjà considérée comme la plus meurtrière jamais revendiquée par l’EI sur le sol européen. Sa configuration nous fait dire, depuis la France, que le peuple russe a vécu son Bataclan. D’ailleurs, ces derniers mois, les services de renseignement français ne cachent pas leur préoccupation de voir la menace se recomposer et s’intéressent particulièrement à cette branche. Les discussions entre ses membres au Pakistan ou en Afghanistan et des «correspondants» sur le sol français, à quelques mois des Jeux olympiques, ne sauraient être ignorées.