Menu
Libération
Entretien

Emilie Hache : «Notre monde, se considérant sans limite, a oublié qu’il avait besoin de se reproduire pour exister»

Article réservé aux abonnés
En partant de la relation complexe entre les femmes et la nature, la philosophe montre que la notion de production est devenue le totem de notre modernité au détriment du principe de régénération des êtres vivants, humains et non humains. Comment renouer avec un mode de vie qui prend soin de la planète ?
(Léa Djeziri/Libération)
publié le 8 mars 2024 à 19h39

Dans les manifs climat, le rapprochement entre destruction de la nature et violence exercée envers les femmes se fait quasi spontanément, comme si un lien secret tenait les deux ensemble. Mais sur quoi repose ce rapprochement ? Ne risque-t-il pas de naturaliser les femmes et de les renvoyer à la procréation sans autre forme d’explication ? C’est en partant de cette énigme percluse de chausse-trappes que la philosophe Emilie Hache, spécialiste de l’écoféminisme, pose la question essentielle : qu’est ce qui perpétue notre monde ? Comment s’agencent les notions de génération, c’est-à-dire le renouvellement même des êtres vivants, et de celle de production, qui permet l’exploitation sans fin des ressources terrestres ?

Dans son dernier essai, De la génération. Enquête sur sa disparition et son remplacement par la production, paru aux éditions La Découverte, Emilie Hache arrive à la conclusion que notre monde a perdu le sens de la préservation des vivants, des arbres, des plantes comme des fleuves. Un monde qui s’est oublié dans le mirage d’une production sans limite, promesse illusoire de la création divine du christianisme. A partir de la question du genre, la philosophe rappelle