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Macron au Panthéon: «Ma France, c’est Joséphine»

Joséphine Baker est la première artiste de scène et la première femme noire à entrer au Panthéon. La cérémonie pensée par l’Elysée souligne l’engagement de cette Américaine de naissance dans la Résistance française et son combat pour les droits civiques.
Entrée du cercueil de Joséphine Baker (1906-1975) au Panthéon. (Thomas Coex/AFP)
publié le 30 novembre 2021 à 15h18
(mis à jour le 30 novembre 2021 à 20h55)
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«Une certaine idée de la liberté et de la fête». Pour le chef de l’Etat, cette cérémonie devait être un moyen de montrer quelle France il veut, à l’orée d’une campagne présidentielle jusque là dominée par des débats sur l’immigration. L’occasion aussi de dépoussiérer le Panthéon en saluant la première artiste de scène à y faire son entrée. «Vous entrez dans notre Panthéon parce que vous aimez la France (...) Née américaine au fond, il n’y a pas plus française que vous (...) Adaptant les paroles de votre plus grand succès, vous clamiez «Mon pays c’est Paris». Chacun de nous ce soir, murmure ce refrain, sonnant comme un hymne à l’amour. Ma France, c’est Joséphine ! »

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Joséphine Baker «portait une certaine idée de l’homme». Emmanuel Macron avait prévenu: en choisissant Joséphine Baker, il entendait saluer l’universalisme. De quoi clouer indirectement le bec aux militants qui critiquent la France et ses ressorts racistes dont découleraient les discriminations actuelles. Mais le discours présidentiel d’une trentaine de minutes avait également pour fonction de répondre aux discours identitaires et racistes qui montent dans le pays, dans le sillage d’Eric Zemmour et de Marine Le Pen. Emmanuel Macron n’a donc pas hésité à faire de nombreux parallèles entre les engagements de la danseuse née américaine et la France d’aujourd’hui: «Joséphine Baker ne défendait pas une couleur de peau, elle portait une certaine idée de l’homme. Sa cause était l’universalisme, l’unité du genre humain, la défense de tous avant l’identité de chacun (...) l’émancipation avant l’assignation».

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Macron salue celle qui «fit toujours les justes choix». Au début de son discours, le chef de l’Etat a salué les engagements de Joséphine Baker, artiste de music-hall devenue résistante, dans le sillage du général de Gaulle, et militante des droits civiques. «Fulgurante de beauté dans un siècle d’égarement, elle fit toujours les justes choix», souligne Emmanuel Macron, qui déroule une à une les étapes de sa vie. En 1925, à son arrivée à Paris à la tête d’une «Revue nègre» qui fait un tabac, «elle invente (...) un numéro qui dépasse les contradictions françaises de l’époque».

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La nuit pour écrin. D’ordinaire les cérémonies au Panthéon se déroulent en plein jour. Mardi, la nuit de novembre a magnifié les jeux de lumière conçus pour Joséphine Baker.

Invités triés sur le volet ... sanitaire. Selon l’Elysée, environ 2 000 invités participent à la cérémonie officielle, en plus des Parisiens qui se sont alignés dans la rue Soufflot, remontant vers le Panthéon. Mille personnes dehors, mille dedans. «Le pass sanitaire a été demandé à tous les invités», souligne le service de presse.

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Une façade de cinéma. Ce soir, c’est Bobino au Panthéon! Avant le discours d’Emmanuel Macron, un film résumant la vie de Joséphine Baker a été projeté sur les colonnes, comme un grand show en technicolor. On a pu lire les mots de Pablo Picasso ou de Jean Cocteau décrivant l’artiste, des citations d’elle sur le racisme, la résistance ou la fraternité. Sur des images d’époque, on a pu aussi la voir en uniforme de l’armée française ou en 1963 aux côtés de Martin Luther King, dont un extrait du mythique discours «J’ai un rêve» a également été diffusé. Joséphine Baker fut alors la seule femme invitée à la tribune de la grande marche des droits civiques, à Washington.

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«Deux amours» plutôt que Zemmour. D’extrême droite et multi-poursuivi pour ses propos racistes, Eric Zemmour a donc choisi le jour de la cérémonie d’hommage à une incarnation du melting-pot et des droits civiques pour se déclarer officiellement candidat à la présidentielle dans un clip rance et oubliable. Sur les réseaux sociaux, le hashtag #MoinsdehainePlusdeJosephine est apparu dans la soirée de lundi pour contrer la campagne de communication de l’impétrant élyséen avant que ne résonne le tube planétaire de Joséphine Baker devant le Panthéon.

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Simone et Antoine Veil, les premiers Panthéonisés de Macron. Rescapée des camps de concentration, femme politique et symbole féministe, Simone Veil a fait son entrée au Panthéon le 1er juillet 2018. «Bruits d’oiseaux et de nature à Birkenau, le Président pleure. Minute de silence, Emmanuel Macron salue la famille, puis les cercueils entrent au Panthéon, dont les lourdes portes se referment pour une cérémonie privée», racontait alors Emmanuèle Peyret dans Libération.

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Et la danse alors? Soucieux de ne pas donner à la cérémonie un côté trop décalé dans ce lieu empreint de solennité républicaine, l’Elysée n’a pas intégré de moment consacré à la danse dans le déroulé (qui compte pourtant de nombreux morceaux de music-hall, incongrus mais salués par les spectateurs par de nombreux applaudissements). «On connaît si mal les danses de Joséphine Baker alors que ce sont elles, sans doute, qui racontent le mieux la circulation interculturelle de l’époque, les fantasmes coloniaux d’alors et l’infime espace laissé aux artistes pour les subvertir», écrit Eve Beauvallet dans Libération.

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Josephine Baker et Joseph Kessel sur la montagne Sainte-Geneviève. Pour saluer la résistante, qui s’engagea dès 1939 du côté de la France libre, Le Chant des Partisans, dont Joseph Kessel a écrit les paroles, a été interprété par le chœur de l’armée française. Sous les applaudissements de la foule qui a bravé le froid pour assister en direct à la cérémonie. Dans mon village, hymne de Joséphine Baker aux Milandes, où elle avait installé sa famille de douze enfants adoptés dans le monde entier, sera accompagné par 60 enfants du chœur de l’Opéra Comique, dont un traduisant la chanson en langue des signes. Viendra ensuite le discours d’Emmanuel Macron.

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Le cercueil de Joséphine Baker en route vers le Panthéon. Porté par six militaires de l’armée de l’air, dont Joséphine Baker était sous-lieutenant, le cercueil de l’artiste est en train de remonter la rue Soufflot. Dans le froid, se sont élevés son accent américain, sa voix qui grésille, des trompettes et des guitare jazzy. Les enfants de Joséphine Baker ont préféré que la dépouille de leur mère continue à reposer dans le cimetière marin à Monaco, où elle est enterrée depuis avril 1975. C’est donc un cercueil vide qui entrera au Panthéon. Comme Aimé Césaire, la «vénus d’ébène» aura donc un cénotaphe, dans lequel seront déposées quatre poignées de terre, de Saint-Louis, où elle est née, de Paris, où elle a été accueillie, des Milandes, où elle avait son château et sa famille, et de Monaco.

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Régis Debray, l’homme qui y pensa en premier. En 2013, l’essayiste suggérait l’entrée de Joséphine Baker au Panthéon dans une tribune publiée par Le Monde. Elle pourrait «mettre de la turbulence et du soleil dans cette crypte froide», estimait alors l’écrivain et philosophe. «On nous répondra : « Plus politiquement correct, tu meurs. » Rions de cet éclat de rire. C’était très incorrect, avant guerre, de se produire les seins nus, d’aimer un petit auteur de polar, Simenon, et d’ensorceler cubistes et surréalistes. Et très risqué (chez « les saltimbanques » en vogue, plutôt insolite) d’entrer dans les services secrets de la France libre en 1940, d’épouser en 1955 la cause des Noirs nord-américains (en se faisant chasser des grands hôtels de New York), d’assister en 1966 à la Conférence tricontinentale de La Havane – en soutenant les mouvements de libération latinos – et d’engloutir sa fortune pour entretenir une famille arc-en-ciel avec douze enfants adoptifs, de tous horizons. Légèreté peut rimer avec liberté, et la fantaisie donner au courage une sorte de pudeur».

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«Entre ici, Olympe de Gouges». On plaisante (non) mais l’autrice de la Déclaration universelle des droits de la femme et de la citoyenne n’a (toujours) pas les honneurs du Panthéon. Malgré le soutien de féministes et de politiques, dont la maire de Paris Anne Hidalgo (PS), cette pionnière n’a pas été retenue par François Hollande en 2015 quand il a fait entrer quatre personnalités de la résistance dans le caveau de la République. En 2013, Olympe de Gouges avait pourtant remporté le suffrage ouvert aux internautes pour être accueillie au Panthéon, rappelait Geneviève Fraisse, historienne du féminisme, dans Libération.

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En 2020, l’hommage de Macron à Genevoix. Il y a pile un an, le chef de l’Etat se tenait déjà sur la montagne Sainte-Geneviève, présidant la cérémonie d’entrée au Panthéon de l’écrivain Maurice Genevoix et, par son truchement, des soldats de la Première guerre mondiale. Macron s’en était alors tenu à un discours lyrique et patriotique, célébrant le sacrifice d’une génération de soldats sans se lancer dans une comparaison explicite entre «ceux de 14» et «ceux de 2020».

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Tapis rouge et melting-pot dans la rue Soufflot. Le quartier autour du Panthéon, sur lequel flotte un immense drapeau bleu blanc rouge, a été entièrement bouclé pour les besoins de la cérémonie, ce qui n’a pas dissuadé des centaines de personnes de se masser autour des barrières depuis le milieu de l’après-midi. Depuis quelques jours, des répétitions ont eu lieu in situ avec les soldats et les enfants du Choeur de l’Opéra-Comique, qui doivent chanter mardi soir.

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Tir groupé dans la culture ! «C’est l’automne de la cohésion nationale ! La panthéonisation de Joséphine Baker n’est qu’un des éléments d’un blitz institutionnel qui voit ces jours-ci une palanquée d’établissement culturels prendre en charge, et comme en écho réverbérant, le grand roman national d’unification et de réconciliation porté par la politique volontariste du gouvernement, écrit Elisabeth Franck-Dumas dans Libération. Il s’agit de valoriser les apports et pollinisations croisés auxquels échanges et migrations ont pu donner lieu sur notre territoire, et si tout cela se déploie justement à quelques mois d’une élection présidentielle crispée par les questions identitaires, eh bien, voilà qui est tant mieux ! »

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Où sont les femmes? L’arithmétique est implacable. Sur les 79 locataires du Panthéon actuels, 75 sont de sexe masculin. Aussi grandiose et célébrée soit-elle, l’entrée de l’artiste franco-américaine Joséphine Baker, première femme noire et première artiste de scène à élire domicile dans le temple républicain, ne rééquilibrera pas une succession de choix mémoriels non paritaire. Celles qui l’ont précédée viennent du monde des sciences, comme Marie Curie, ou sont des figures de la résistance, comme Germaine Tillion ou Geneviève de Gaulle-Athonioz. Leurs portraits.

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Eclectisme dans les tribunes de la rue Soufflot. Très attendue et précédée de rumeurs invérifiables de la venue de stars internationales, la brochette des invités de cette panthéonisation a été dévoilée à la mi-journée par l’Elysée. Finalement, pour les paillettes cosmopolites, il faudra se contenter du prince Albert de Monaco côté. Etonnamment (aussi), aucun danseur ne figure dans la liste, alors que Joséphine Baker était une showgirl avant d’être chanteuse ou comédienne. Autour d’Emmanuel Macron et d’une partie du gouvernement, on retrouvera (entre autres) une centaine de citoyens anonymes (qui en avaient fait la demande), l’inoxydable Line Renaud ainsi que les humoristes Pascal Legitimus et Claudia Tagbo, les chanteurs Abd Al Malik et Angélique Kidjo, les acteurs François Cluzet, Jean-Pascal Zadi, le réalisateur de «Tout simplement noir», et Zabou Breitman. On cherche encore la raison de l’invitation d’Hervé Vilard. De Bobino, où Joséphine Baker avait tenté un ultime come-back en 1975, à l’Opéra de Paris, une quinzaine de patrons de théâtre ou d’institutions culturelles ont également été conviées, de même qu’une palanquée d’intellectuels comme Pascal Ory, spécialiste de l’histoire culturelle, ou Pap Ndiaye, directeur du musée de la Porte dorée.


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A New York, célébration et illuminations. Les drapeaux français et américain partagent les mêmes trois couleurs. C’est pour rendre hommage à une figure aussi frenchy qu’américaine que l’Empire State Building s’est paré de bleu, blanc, rouge. L’emblématique gratte-ciel new yorkais, l’Empire State Building, s’est illuminé en tricolore pour honorer Joséphine Baker. Dès la tombée de la nuit lundi, la partie supérieure et la pointe de cet immeuble art déco de 102 étages ont scintillé de bleu, blanc et rouge, «en hommage à l’artiste et icône des droits civiques Joséphine Baker, première femme noire intronisée au Panthéon».