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Essai

Et si le wokisme passait à l’offensive ?

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Contrant les attaques de l’extrême droite et le rejet d’une partie de la gauche, l’essayiste et militant Pierre Tevanian appelle à revendiquer et à réhabiliter le terme dans un pamphlet provocateur et radical, «Soyons woke».
Lors d'une manifestation contre le racisme et l'extrême droite, à Paris, le 22 mars 2025. (Quentin de Groeve/Hans Lucas. AFP)
publié le 17 avril 2025 à 5h43

En sociologie, c’est un phénomène historiquement courant qui porte un nom : «le retournement du stigmate». La formule désigne la manière dont un groupe, qui se voit dévalorisé par l’identification à une caractéristique que d’autres lui attribuent tend finalement à la revendiquer. Afin de retrouver sa dignité. Ainsi de la négritude théorisée par Aimé Césaire se réappropriant le mot «nègre», ou de la Marche des fiertés faisant de même avec «pédé» ou «gouine», ou encore de l’usage de plus en plus courant du terme «racisé» par ceux qui sont victimes de racisme.

C’est à ce type de volte-face que s’attelle l’essayiste Pierre Tevanian, figure de l’extrême gauche décoloniale et proche historiquement du mouvement des Indigènes de la République, dans Soyons woke (éditions Divergences, sortie le 25 avril 2025). Ce pamphlet ouvertement militant adopte une position anti-anti-woke, dont la radicalité est à ses yeux à la mesure de l’offensive réactionnaire. Il va puiser chez les penseurs des Lumières habituellement mis au service de la pensée anti-woke les sources intellectuelles (notamment Diderot) qui fondent les valeurs du wokisme : l’antiracisme, la quête de l’égalité, la raison critique. Soit les ingrédients premiers d’un véritable projet universaliste, selon l’auteur, par ailleurs cofondateur en 2001 du collectif Les mots sont importants avec Sylvie Tissot. Il rejoint dans un style radicalement différent l’académicienne Danièle Sallenave qui affirmait récemment dans Libé : <