SERIE «Ce qui nous lie et nous délie» (4/4)
L’enfer ? C’est les autres ! L’amour et la liberté en famille ? A l’heure des fêtes, des repas houleux ou bienheureux nous rappellent combien certaines attaches nous nourrissent quand d’autres nous emprisonnent. Distance à réinventer constamment avec ses proches, hospitalité avec l’étranger, partage des écrans en famille, contact avec la nature… Pour négocier cette période au mieux jusqu’au nouvel an, «Libération» explore la complexité de ces liens qui nous émancipent et nous aident à changer le monde.
Il est 4 h 15 du matin sous le sombre chapeau ourlé de la grande forêt guyanaise. La nuit est encore là, dense et collante, épaissie par un rideau d’humidité que traversent les halos de nos lampes frontales endormies. On ne parle pas, ce serait déchirant. On se suit, chacun encore dans ses pensées nocturnes, marchant sur le layon étroit et glissant qui mène discrètement à une petite crique bordée de plantes ruisselantes.
Il est 5 h 15, et bientôt commence le spectacle. Nous sommes deux, et c’est bien suffisant. A être trop nombreux, on se gêne. Lui compose pour bandes et orchestre symphonique, moi, je décompose pour graphiques et tests statistiques. Ensemble, sans bien se connaître encore, nous écoutons et nous enregistrons le temps d’un adagio la vie sonore de la forêt amazonienne. Il s’appelle Sébastien Gaxie, et nous travaillons à un projet art et sciences autour des craquements végétaux et des sifflements animaux de la réserve naturelle des Nouragues.
Ce matin-là, chaud et humide comme tous les autres, nous captons pendant deux heures le réveil de la forêt avec une fragile sphère de 32 petits microphones prêtée par l’Institut de recherche et coordination acoustique-musique (Ircam). Assis sur un tronc drapé d’une couverture de champignons blancs, nous enregistrons pour créer en studio et analyser en laboratoire mais aussi pour uniquement écou