S’engageant dans une campagne politique que nulle personne sensée – et certainement pas lui – n’appelait de ses vœux, le Premier ministre Gabriel Attal a eu une formule fataliste et percutante à la fois : «Le pays joue sa peau dans cette élection.» Sans doute, mais certains d’entre nous jouent plus leur peau que d’autres, et la métaphore claque plus vraie. Ainsi, dans une grande interview à Libération sur la perspective d’un gouvernement d’extrême droite en France, la cinéaste Alice Diop nous dit : «J’ai l’impression d’avoir perdu ma peau, comme une grande brûlée.» Et celle qui se donne corps et âme dans «Nous, on vote», le collectif qu’elle a fondé pour la mobilisation, ajoute pour ceux qui ne voudraient pas comprendre : «En ce moment, je fais des rêves où je me revois à l’école primaire subir des agressions racistes que j’avais enfouies.» Bien d’autres se retrouvent dans cet effroi qui gagne du terrain, alors que le Rassemblement national égrène tranquillement son programme, renonçant pratiquement à toutes ses promesses sauf une, le rejet de l’autre.
Oui, l’air est déjà toxique. Si la gauche se constitue par le choix de l’égalité, l’extrême droite se définit par la stigmatisation des «étrangers», aussi Français soient-ils. Sciant les piliers de la République, Jordan Bardella promet aux «vrais Français» une loi d’urgence sur l’immigration comprenant le retour des expulsions massives, la fin du droit du sol, la restriction du regroupement familial et bien d’autres propositions et idées considérées encore récemment comme honteuses. Et quand bien même le Conseil constitutionnel déciderait de retoquer de nombreuses mesures, il se verra accusé de trahison nationale par les seconds couteaux. Car pour les racistes qui veulent nous gouverner, la cible peut changer mais la haine demeure. Alors, que faire pour sauver sa peau ? «Un feu s’est déclenché en moi, où se mélangent la colère, la trahison et un sentiment de déception profonde», nous confie Alice Diop. Comme elle et de nombreux combattants, nous devons toutes et tous nous jeter dans la bataille pour éviter le pire.