La France, pays où l’attachement aux services publics fait figure d’évidence, déteste-t-elle les personnes qui rendent ces services ? Dans un ouvrage paru cet automne aux éditions Amsterdam, Julie Gervais, politiste (Paris-I), Claire Lemercier, historienne (CNRS), et Willy Pelletier, sociologue (université de Picardie) plongent au cœur de ce qu’ils appellent la «haine des fonctionnaires» (1). «Tout le monde connaît l’équation», prévient sans ambages la quatrième de couverture : «Fonctionnaires = feignasses = pas rentables = emmerdeurs = protégés = profiteurs = archaïques = inutiles = à compresser». Mais d’où vient donc «son incroyable puissance d’évidence», qui s’illustre régulièrement dans les discours politiques et médiatiques ?
Ainsi de Valérie Pécresse, en campagne pour l’élection présidentielle de 2022, qui promettait et défend encore la mise en place d’un «comité de la hache». Ou de Guillaume Kasbarian, l’actuel ministre de la Fonction publique, qui félicite Elon Musk, tout juste chargé par Donald Trump de «démanteler la bureaucratie gouvernementale» aux Etats-Unis.