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Entretien

Franck Frégosi, politiste et chercheur : «Il ne faut pas confondre la visibilité du fait musulman avec une France qui serait en voie d’islamisation»

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Depuis une trentaine d’années, les ministres de l’Intérieur se mêlent d’organiser la religion musulmane sur fond de crispation identitaire dans la foulée des attentats islamistes. Dans «Gouverner l’islam en France», paru fin janvier, le politiste et directeur de recherches au CNRS, Franck Frégosi dresse un tableau nuancé et argumenté des différents acteurs et des forces à l’œuvre.
Devant la mosquée Bilal de Roubaix, le 9 novembre 2019, veille de la marche organisée à Paris contre la stigmatisation des Français de confession musulmane. (Aimée Thirion/Libération)
publié le 16 février 2025 à 14h29

La religion musulmane est-elle soluble dans la République ? La question hante la France depuis une trentaine d’années. Instrumentalisée par l’extrême droite, portée à incandescence par la vague meurtrière des attentats islamistes, elle est devenue centrale dans le débat politique. Politiste et directeur de recherches au CNRS, Franck Frégosi observe attentivement les politiques centrées sur les questions musulmanes des gouvernements successifs depuis une trentaine d’années. Bien que laïque, l’Etat, en fait, n’en finit pas de se mêler de religion. Dans Gouverner l’islam en France, paru aux éditions du Seuil, le chercheur décrit et analyse ce processus et ses évolutions. Malgré son titre un poil rébarbatif l’ouvrage met en lumière, de façon précise, les enjeux et les réseaux actuellement à l’œuvre.

Pourquoi l’Etat laïque, comme vous le décrivez dans votre livre, se mêle-t-il autant des affaires de l’islam de France ?

Parce que les organisations musulmanes, dans la longue durée, n’ont pas été en mesure d’accoucher ensemble d’un schéma d’organisation général. Elles avaient toutes des ambitions et des agendas distincts, mais quand il s’est agi de mutualiser les compétences, elles n’ont pas été capables d’y parvenir. Chacune tirait dans le sens de ses intérêts propres sans avoir pris conscience de l’importance d’avancer unis pour l’intérêt des fidèles.