Entre accusations d’islamophobie et procès en «islamo-gauchisme», une autre voie est possible, plaide François Héran, démographe et sociologue. Elle consiste à documenter et à mesurer les faits scientifiquement. Or, que disent-ils ? Que des discriminations massives en fonction d’un patronyme ou d’une couleur de peau persistent en dépit des incantations républicaines, explique le titulaire de la chaire «migrations et sociétés» au Collège de France. Pourtant, les conceptualiser sous les mots de «race» ou «racisme systémique» suffit à déclencher des tombereaux d’attaques, instrumentalisés par les discours gouvernementaux. C’est bien dans ce déni de réalité que se situe la véritable cancel culture, selon le chercheur qui fait paraître Lettre aux professeurs sur la liberté d’expression (1), la suite d’un texte publié sur le site de la Vie des idées après l’assassinat de Samuel Paty en octobre 2020. Revenant sur ses conditions d’exercice, son histoire et sa jurisprudence, il ne fait pas de la liberté d’expression un principe absolu mais une construction sociale et conditionnée, qu’il articule à la liberté de croyance – sans que la seconde ne supplante la première, évidemment – et dont le droit seul fixe les limites.
Que vous inspire le climat délétère qui règne à l’université ?
On le rend délétère en mettant en scène un affrontement binaire entre l’universalisme et le racialisme, le principe d’égalité et les tentations identitaires. C’est absurde. Nous sommes to