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Interview

Frédéric Worms : «La durée de la pandémie est une chance, nous n’avons pas d’autre choix que de changer»

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Pour le philosophe, le Covid-19 est l’occasion de prendre conscience des dangers de l’époque, sanitaire et écologique. La seule façon de supporter la longueur de cette crise historique est de commencer dès maintenant à construire une société juste.
Lors du transfert de patients atteints du Covid-19, à Lyon en novembre 2020. (Hugo Ribes/Libération)
publié le 19 mars 2021 à 7h34
(mis à jour le 19 mars 2021 à 14h51)

Où est-il, le temps de l’amour, le temps des copains et de l’aventure ? Envolées, l’insouciance et la liberté. Il y a un an déjà, nous découvrions, médusés, le concept de confinement, la rétractation des corps, la fermeture des possibles. Ralentissement heureux ou accélération éreintante de nos existences ? Le débat n’est pas là. Pour le philosophe Frédéric Worms, nous vivons une «urgence qui dure», qui bouleverse notre rapport au passé comme celui à l’avenir. Dans son ouvrage Vivre en temps réel (Bayard, 2021), le directeur adjoint de l’Ecole normale supérieure décrit cette expérience temporelle inquiétante qui n’est pas neuve. Et, optimiste, il rappelle que l’urgence est aussi une prise de conscience brutale, un moteur de l’action, et donc du changement. Membre du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), Frédéric Worms sort parallèlement deux autres ouvrages sur un autre sujet majeur lié à la pandémie, le soin : le Moment du soin. A quoi tenons-nous ? (PUF) et le Soin en première ligne (PUF) dont il partage la direction avec le médecin Jean-Christophe Mino et Martin Dumont, responsable de la chaire de philosophie de l’hôpital de l’Hôtel-Dieu.

De quelle manière la pandémie a-t-elle bouleversé notre rapport au temps ?

Nous vivons une situation très singulière que j’appelle «l’urgence qui dure», c’est-à-dire une crise durable et singulière car elle combine toutes nos relations au temps, mais sur un mode plus négatif que jamais ! Il y a la