Quelques heures après la sidération des images de l’attaque du Hamas, j’envoyais un message à Michael B, ancien camarade d’amphithéâtre à la Faculté de droit, parti vivre en Israël. Son contenu était simple et direct: «Es-tu safe?», sa réponse le fut tout autant: une vidéo Instagram depuis disparue montrant des individus légendés comme palestiniens traînant au sol un mort israélien avec en commentaire: «Tes frères». Les images étaient violentes comme cette fraternité meurtrière imposée. S’il est vrai que Michael et moi vivions une amitié épistolaire depuis quelques temps, elle s’était un peu asséchée quand j’appris qu’il avait rejoint ses parents partis s’installer en Israël.
Notre point majeur de divergence, le même qu’à Paris lors de nos conversations, le partage de la terre entre Israéliens et Palestiniens. Ce départ symbolisant, pour moi, son accord avec la politique menée par Israël et son gouvernement en appui des colons de l’extrême droite. Michael connaît mon soutien indéfectible au peuple palestinien dans sa lutte pour la reconnaissance de son droit à vivre libre dans un Etat, palestinien et souverain. Cette fraternité humaine avec les habitants de Gaza, d’Hébron ou Ramallah implique-t-elle d’être solidaire d’une violence meurtrière aveugle? Bien sûr que non.
Si la condamnation de l’action du Hamas est justifiée, elle doit s’étendre aux gouvernements israéliens successifs qui tous ont soutenu I’expansion des colonies israéliennes en Palestine au mépris du droit international. Réprimant de la manière la plus dure la révolte légitime d’un peuple qui se voit nier le droit de vivre en liberté et en sécurité depuis plus de soixante-quinze ans en un Etat indépendant. Subissant jusqu’à l’extrême, le toupet de colons protégés par l’armée, qui les expulsent de leurs propres demeures.
En écoutant Elie Barnavi et Leila Shahid réagir à la terrible attaque du Hamas, une fracture est apparue, entre ces deux éminentes personnalités, concernant la cause du sort des victimes israéliennes. Ont-elles été tuées parce qu’elles étaient juives ou parce qu’elles étaient occupantes de territoires palestiniens. Il est bien difficile d’apporter une réponse satisfaisante et véridique à cette macabre question. Mais pour avoir une infime chance d’inverser le flux de la routine meurtrière passée, présente et à venir, il revient à la communauté internationale dans son ensemble de s’emparer de la question palestinienne de manière prioritaire, continue et, en toute justice.
Aux leaders du monde arabe d’abord, qui ont ici l’occasion de soutenir une cause chère à leurs peuples sans laisser le pouvoir iranien devenir le champion de la défense de la lutte palestinienne. A l’Europe ensuite, qui doit se souvenir qu’en d’autres temps, elle avait été un moteur important du processus d’Oslo. Aux nouveaux acteurs de la scène internationale, qui aspirent à jouer un rôle majeur, qu’ils soient Brics ou non. Voici un cas concret, qui attestera ou pas, de la véracité de leurs discours pour un meilleur équilibre entre «l’Occident» et le reste du monde. Aux Etats-Unis, enfin, qui demeurent à ce jour la puissance dominante de la scène internationale, premier allié d’Israël dans la région, et peut-être seul Etat en capacité de contenir le gouvernement de Benyamin Nétanyahou dans la réponse militaire qu’il déploie. Des présidents comme Georges Bush (père) et Bill Clinton avaient su imposer à Israël le début d’un agenda pour (re)lancer le processus de paix avec les Palestiniens.
Dans ce contexte, la France soutenue par l’Espagne et d’autres peut assumer un rôle de leader européen. Elle en a encore la légitimité! Hier comme aujourd’hui, elle abrite en son sein les plus grandes communautés juives et musulmanes en Europe. Ces citoyens français y vivent en paix. Si ce scénario idéal se met en place, alors peut-être qu’après le pire survenu, et l’engrenage à venir, il y aura un étroit chemin pour la paix. D’ici là il faudra, observer la capacité du gouvernement de Benyamin Nétanyaou à apporter une réponse mesurée à l’agression subie ; et aux palestiniens résister aux bombes au phosphore blanc, aux milliers de morts femmes et enfants, aux familles obligées de se déplacer et aux nouvelles colonisations à venir. Irréaliste ?