«Ils sont ressortis de la grotte.» La nouvelle qu’ils y étaient descendus, le 14 mars, m’avait échappé. Je n’avais les yeux braqués sur aucun compte à rebours. Je ne savais rien du projet Deep Time ni des 15 hurluberlus enfoncés pour quarante jours dans les galeries de Lombrives, en Ariège (et choisissant le mot «hurluberlus» je me prends à espérer qu’il ait de près ou de loin à voir avec le mot «hibou», qui leur irait assez bien, je vérifie mais non : «hurluberlu» vient plutôt de «hure», la hure du sanglier, sa tête coupée ébouriffée et mise au mur, et de «berlue», avoir la berlue, voir tout de travers – magie involontaire des mots, je dis «hurluberlus» et aussitôt se lèvent, sans que je l’aie voulu, 15 sangliers poils en pétard et yeux peuplés de visions, tableau pas si éloigné peut-être de celui offert par ces quinze-là le matin de leur retour à la lumière, hirsutes sous les flashes des journalistes qui les attendaient).
Bref : j’écoutais la radio, c’étaient les infos, ça parlait de ce dont parlent les infos ces temps-ci, le dernier bilan du Covid, la dernière attaque au couteau, le dernier sondage confirmant l’affection des 25-34 ans pour le Rassemblement national, la dernière lettre ouverte d’anciens généraux inquiets du déclin de leur chère vieille France. Ça me déprimait sans me déprimer tout à fait, j’écoutais et n’écoutais pas, j’étais devant le poste dans l’état d’attention flottante et vaguement anesthésiée qui me sert plus ou moins, j’imagine, de déf