Après la chute de l’Union soviétique, le triomphe s’annonçait parfait : Bruxelles et Washington proclamaient la fin des idéologies et la démocratie libérale comme horizon indépassable. C’était ignorer les recompositions profondes en cours dans certains Etats bousculés par le XXe siècle et devenus aujourd’hui des acteurs proéminents sur la scène internationale et notamment au Moyen-Orient : la Turquie, l’Iran et la Russie. Malgré leurs différences, l’historien et sociologue directeur d’études à l’EHESS Hamit Bozarslan montre dans son dernier ouvrage l’Anti-démocratie au XXIe siècle. Iran, Russie, Turquie (CNRS Editions) des similitudes structurelles entre ces trois régimes : une commune détestation de la démocratie occidentale, un système centré autour d’un leader suprême et une profonde nostalgie d’empire. Or, les choix de ces «anti-démocraties» ne sont pas sans conséquences, tant sur le plan international qu’au cœur même de nos systèmes politiques.
Pourquoi présentez-vous l’Iran, la Turquie et la Russie comme des modèles d’«anti-démocraties» ?
D’abord, les concepts utilisés pour définir ces régimes : démocraties autoritaires, illibérales… me semblaient insatisfaisants. J’ai choisi d’utiliser le terme «anti-démocraties» car ces Etats se considèrent comme une alternative radicale à la démocratie, définie sur un double principe. Le consensus, qui permet à une communauté humaine de se penser comme société, et le dissensus, qui légitime, négocie, résout et le cas éch