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TRIBUNE

«Il est hors de question pour nous de “trier” les malades» : plus de 5 000 médecins demandent à François Bayrou de ne pas toucher à l’AME

La commission mixte paritaire s’est accordée autour d’une diminution de crédits pour l’Aide médicale de l’Etat, ce vendredi 31 janvier. Un collectif de professionnels de la santé dénonce toute restriction à ce droit essentiel.
Une patiente recevant des soins garantis par l'Aide médicale de l'Etat, à Bron (Rhône), le 19 janvier 2024. (Thibaut Durand /Hans Lucas. AFP)
publié le 31 janvier 2025 à 11h26

Faire de l’Aide médicale de l’Etat (AME) une variable d’ajustement budgétaire ou un objet de négociation politicienne est une attaque choquante et un affront au travail de santé publique que nous effectuons, en tant que médecins ou professionnels de la santé, inlassablement et chaque jour au service de toute la population de notre pays. Car il n’y a pas de bonne santé individuelle sans une bonne santé collective, qu’il s’agisse des maladies infectieuses, et donc des risques d’épidémie, ou encore des maladies mentales avec leur impact sur la cohésion et la sérénité des groupes sociaux dans leur ensemble.

Il est hors de question pour nous de «trier» les malades, différenciant ceux que nous pourrions soigner et ceux que nous devrions renvoyer de nos cabinets du simple fait de leur nationalité, de leur statut ou de leur manque de ressources. La compétence soignante est indissociable de l’éthique médicale et de la plus élémentaire humanité, l’Etat français ne peut pas nous demander de remettre en cause les bases de notre engagement.

Il est établi, notamment par le rapport remis en 2023 par Claude Evin et Patrick Stefanini, que les soins couverts par l’AME ne sont pas excessifs (ils ont été révisés en 2019), ne sont pas détournés de leur objet, et ne sont en rien des facteurs favorisant significativement les flux migratoires. A l’inverse, rendre les prises en charge précoces et courantes moins accessibles ne peut qu’accentuer la pression pesant sur les hôpitaux publics et les urgences pour les cas de complications et d’aggravation de l’état de santé des patients concernés, le risque étant élevé notamment pour des personnes vivant dans la précarité ou ayant souvent survécu à tant de traumatismes. Finalement, les bénéfices espérés seront inexistants, mais avec un coût humain et sanitaire indigne d’une grande nation.

L’argument selon lequel les autres pays ne disposent pas du même niveau de prise en charge n’est, pour nous, pas entendable. Les systèmes de santé et les modèles sociaux sont tous différents, et nous avons choisi d’exercer dans le système français, construit sur les droits humains et l’aide inconditionnelle aux personnes malades. Monsieur le Premier ministre, ne nous demandez pas de trahir ce fondement de notre vocation !

Auteurs : Julie CHASTANG, médecin généraliste, coprésidente de l’Union syndicale des médecins des centres de santé, Fontenay-sous-Bois ; Antoine PELISSOLO, psychiatre, chef de service, GHU Henri-Mondor, Créteil.

Premiers signataires : Jean-François CORTY, médecin, président de Médecins du monde, Paris ; Jean-Marc BALEYTE, pédopsychiatre, chef de service, Centre hospitalier inter-communal de Créteil ; Hélène COLOMBANI, médecin, Nanterre ; Marie-José CORTES, psychiatre, présidente du Syndicat des psychiatres des hôpitaux, Mantes-la-Jolie ; Isabelle DEFOURNY, présidente de Médecins sans frontière France, Paris ; Capucine HAURAY, infirmière, coordinatrice de Maison de santé, Trignac ; Karine LACOMBE, infectiologue, hôpital Saint-Antoine, Paris ; Olivier MILLERON, cardiologue hospitalier, Paris ; Claude PIGEMENT, médecin, Aubervilliers ; Mathias WARGON, médecin urgentiste chef de service, Saint-Denis.

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