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Reportage

«Ils nous donnent enfin la parole» : à Grigny, l’enquête sans clichés de deux sociologues

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Ils ont commencé en 2015, à la suite des attentats contre «Charlie Hebdo», et ils y ont passé dix ans. Fabien Truong et Gérôme Truc racontent leurs échanges avec Jean-Pat, Latifa, Marley, et tant d’autres. Un tableau nuancé de la ville la plus pauvre de France, où les solidarités se tissent malgré la violence structurelle.
Fabien Truong avec une habitante de Grigny, le 28 janvier 2025. (William Kéo/Magnum pour Libération)
publié le 20 février 2025 à 14h40

Il y a des «herbes folles» à Grigny, sur les monticules au bord des chantiers qui font apparaître un centre-ville en lieu et place du terrain vague séparant les deux quartiers emblématiques de la ville, Grigny 2 et la Grande Borne. Mais n’allez pas en parler aux Grignois : la formule y est de sinistre mémoire depuis un article du Figaro publié au lendemain des attentats de janvier 2015. Après une petite journée dans la commune du terroriste Amedy Coulibaly – assassin d’une policière à Montrouge (dont une tante habitait Grigny) et de quatre clients de l’Hyper Cacher à Paris –, une journaliste «produit un article caricatural comparant les collégiens de la Grande Borne à des “herbes folles” suivant les traces du tueur local», écrivent les sociologues Fabien Truong et Gérôme Truc.

Un exemple parmi tant d’autres : certains reportages ont beau être vieux de plusieurs décennies, ils sont toujours bien présents à l’esprit des habitants de la ville. Ça, les deux chercheurs (le premier est au CNRS, l’autre enseignant à Paris-VIII et écrivain) l’ont vite compris au cours de dix ans d’enquête dans la commune de 27 000 habit