Né en Bulgarie pendant la guerre froide, le politologue Ivan Krastev est spécialiste de l’Europe et président du Centre pour les stratégies libérales installé à Sofia (Bulgarie). Ces dernières années, il a observé les évolutions des démocraties sur le Vieux Continent, des basculements post-guerre-froide au choc de la pandémie de Covid (1). Depuis Vienne où il réside actuellement, il voit dans la guerre en Ukraine un événement qui devrait transformer durablement l’organisation de l’Europe et du monde : contrairement à ce que pensaient les Occidentaux, les échanges commerciaux ne suffisent pas à éviter les guerres, ce qui devrait recomposer les jeux de coopération et d’alliances entre les Etats. Par ailleurs, la nouvelle donne économique, le développement du numérique et un rapport différent à la menace nucléaire rendent la situation actuelle incertaine.
Comment décririez-vous l’état d’esprit des Européens après quinze jours de guerre en Ukraine ?
Il y a indéniablement un moment d’unité, pas tant du côté des gouvernements que des sociétés, qui subissent un choc : pour beaucoup d’Européens, ce n’est pas seulement la souveraineté de l’Ukraine, mais aussi celle de leur propre pays qui est en jeu. C’était quelque chose d’inattendu, pour lequel nous n’étions pas préparés, si bien qu’on a l’impression de changer d’époque. On a beaucoup parlé de