Nous nous noyons sous un déluge d’informations auxquelles nous ne sommes plus capables de donner du sens pour comprendre le monde : voilà ce que ça fait, d’avoir essayé de transformer nos cerveaux en ordinateurs. D’après l’artiste, écrivain et éditeur britannique James Bridle, vivre aux côtés des supercalculateurs a profondément changé notre manière de réfléchir. Dans un ouvrage stimulant, riche et souvent drôle, Un Nouvel Age de ténèbres. La technologie et la fin du futur (Allia, 2022), il explore cette nouvelle forme de pensée, la «pensée computationnelle» comme il l’appelle, qui consiste à concevoir le monde comme une série de problèmes que l’on pourrait résoudre si l’on avait à notre disposition les jeux de données nécessaires.
Il met en garde contre deux effets pervers de ce schéma de pensée : d’abord, il oublie le fait que le monde ne peut se réduire à un ensemble de variables qu’il suffirait de calculer pour déterminer ce que sont l’amour, la haine ou la poésie. Ensuite, et surtout, il nous paralyse : puisque nous n’aurons jamais l’ensemble des données d’un problème, nous continuons à attendre une improbable certitude absolue avant de nous décider à agir. Plutôt que la «pensée computationnelle», Bridle appelle à adopter une pensée «nébuleuse», «qui admet l’inconnu et le transforme en une pluie fertile».
D’après vous, «tout est éclairé mais nous ne voyons rien». Il y aurait un problème à pouvoir utiliser une très