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TRIBUNE

James Lovelock, le premier des «Gaïens»

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A l'ère de l'anthropocènedossier
Penseur pionnier de l’anthropocène aux prises de positions parfois anti-écologistes, le scientifique britannique est décédé le 26 juillet dernier à l’âge de 103 ans.
James Lovelock, chez lui, dans les Cornouailles, en 1980. (AKG)
par Bruno Latour, sociologue anthropologue des sciences et des techniques, professeur émérite à l’Ecole des arts politiques de Science Po et Sébastien Dutreuil, chargé de recherches au CNRS
publié le 1er août 2022 à 21h04

Né le 26 juillet 1919 dans les environs de Londres, James Lovelock est connu pour avoir élaboré «l’hypothèse Gaïa» dans les années 60 et 70, l’idée que les êtres vivants pourraient réguler l’environnement global pour maintenir la Terre habitable. «Gaïa», c’est le nom d’une entité, d’un nouvel objet, d’une nouvelle Terre. Invisible jusqu’à ce qu’on l’identifie en analysant les propriétés étranges de l’atmosphère terrestre, révélant l’influence considérable des êtres vivants sur sa composition chimique, Gaïa est constituée des interactions entre les êtres vivants et leur environnement.

James Lovelock est souvent présenté comme un «penseur de l’écologie politique». Renouant avec la mythologie grecque, Gaïa a été présentée et célébrée comme une nouvelle philosophie de la nature alternative à la conception moderne d’une nature mécanique, qu’il faudrait maîtriser et dominer. Il a pourtant souvent défendu la géo-ingénierie, ces techniques prométhéennes de modification intentionnelle du climat, ainsi que des positions controversées – gaz de schiste, nucléaire, suspension des Droits de l’homme et de la démocratie, dénonciation de la surpopulation et de l’agriculture corrélativement à une défense des industries chimiques. En 1966, il écrit dans un rapport pour Shell que l’entreprise pourra empêcher une glaciation g