Elle a fini par lui manquer, la respiration. Il devait ces derniers temps faire de constants et difficiles allers-retours entre son domicile et l’hôpital, pour pallier son insuffisance respiratoire, et lundi, le souffle s’est arrêté. Jean-Luc Nancy avait 81 ans. Il continuait à écrire, à intervenir dans le débat public, à participer à des colloques, à «être-avec», à animer cette «sym-philosophie» (comme on dit symphonie ou sympathie) faite d’échanges, d’écoute, de partage, de respirations communes, de con-spirations. Il était l’un des plus importants philosophes contemporains, le «pont» entre la génération de Deleuze, Derrida, Levinas, Lyotard et celle des penseurs d’aujourd’hui, ceux qui continuent à interroger les modalités de construction d’une société moins brutale ou injuste, et les possibilités de coexistence des individus. Son œuvre est immense, faite – chose rare – de plus d’une centaine d’ouvrages, parfois «co-signés» au nom, justement, de l’ouverture et de la coopération des pensées. Un seul mot pourrait en être le label, celui d’ouverture : toute philosophie, disait-il, «a à voir avec l’ouverture et avec l’agir», parce que philosopher commence toujours «là où le sens s’interrompt», là où s’ouvre une sorte de soupirail, de fissure, entre le sens commun et la réflexion, parce que penser signifie (s’)ouvrir aux autres, au monde, aux corps, aux sensibilités, aux arts, aux techniques, à l’éthique et à la politique. Une pensée du présent, dans lequel nous
Disparition
Jean-Luc Nancy, mort d’un philosophe à bras-le-cœur
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Jean-Luc Nancy en septembre 2020. (Vincent Muller/Opale via Leemage)
par Robert Maggiori
publié le 24 août 2021 à 17h12
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