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TRIBUNE

«Jusqu’à la fin de sa vie, Robert Badinter s’est engagé pour la dépénalisation universelle de l’homosexualité»

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Perdre Robert Badinter signifie perdre un avocat de la cause homosexuelle et LGBT, qui a pris les devants pour ceux qui n’osaient pas le faire, par crainte d’être «outés», réagit Régis Schlagdenhauffen, sociologue spécialiste des questions de genre et de sexualité.
Robert Badinter le 4 novembre 1992. (Manuel Vimenet/Vu)
par Régis Schlagdenhauffen, sociologue, maître de conférences de l’EHESS
publié le 9 février 2024 à 21h04

Le 30 mai 2022, Robert Badinter me contacta. Lui qui fut l’artisan de la loi du 4 août 1982 [dite loi Forni, qui a abrogé le «délit d’homosexualité», ndlr] voulait en savoir plus sur mes travaux portant sur la répression pénale de l’homosexualité en France. Lors des échanges qui s’ensuivirent, il me rappela le contexte de l’abrogation de la loi de 1942 qui réprimait l’homosexualité. Selon lui, abroger cette loi promulguée sous Vichy, et reprise telle quelle à la Libération, était une nécessité, un devoir moral, pour lui et pour la France. En tant qu’ancien avocat, il avait une conscience aiguë de ce que vivaient beaucoup de gays et de lesbiennes au tournant des années 1980 : opprobre social, honte, secret, ce à quoi s’ajoutait le risque d’une condamnation pénale et donc d’un procès, souvent relayé par la presse locale d’ailleurs.

A ses yeux, les espoirs suscités par l’élection de François Mitterrand imposaient à la France de changer de logiciel et donc de «dépénaliser l’homosexualité». La tâche ne fut pas simple, dit-il, et on lui mit de nombreux bâtons dans les roues, de toutes parts (la proposition de loi fut d’ailleurs inscrite in extremis à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale pour la veille les vacances parlementaires).

Il me parla aussi du chemin parcouru entre 1982 et 2022, mais aussi des efforts qu’il restait à déployer : d’une part pour regarder le passé avec clairvoyance (de nombreuses recherches doivent encore être réalisées sur le sujet et l’Etat s’honor