Le réel est vieux. Il porte treillis et marche au pas lourd des soldats bottés d’impavidité. Il souffle son haleine fétide au nez rougi de légèreté honteuse de la postmodernité. Il taloche de son archaïsme revanchard l’insouciante civilisation des loisirs et ses fantaisies consuméristes.
Le réel est armé de munitions conventionnelles et d’ogives mortelles qui n’ont rien de cybernétiques. Son ressentiment nationaliste tue des vivants de chair et de sang, et non des avatars du metavers, des zombis de jeux vidéo ou des chimères à tête de licorne.
Le réel est métallique et blindé. Il se fout de son empreinte carbone et baffe les cassandres climatiques de la génération Greta. Epaisses et crantées, les chenilles de ses chars écrasent les sables d’irréalité où se prélasse l’Occident qui bulle en son Jacuzzi de confort moral et de sensiblerie attendrie.
Le réel se nomme Poutine. Il a envahi l’Ukraine et menace de vitrifier l’impuissance de l’Europe. Celle-ci ne mourra pas pour Kiev, pas plus qu’elle ne l’a fait pour Dantzig en 1939. D’ailleurs, elle n’est pas prête à se sacrifier pour qui que ce soit, tant elle est habituée à une paix bavarde et baveuse. Qui vaut toujours mieux que la guerre des braves, si, si, croyez-moi.
Je suis de ces passifs en goguette, de ces pacifistes en liquette et de ces planqués trop heureux que mon pays ait échappé depuis trois générations à tout conflit armé extérieur. Mon père était bien trop jeune pour 39-45. Mon fils n’a pas fait son service militaire, l