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Libération
Chronique Ré/jouissances

La nuit où j’ai refusé Matignon

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Macron réélu pour un second mandatdossier
Monologue d’un refuznik mégalo qui, comme bien d’autres, ne se voit pas devenir le valet de pied du petit-maître de l’Elysée.
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publié le 10 mai 2022 à 6h16

Au cœur de la nuit la plus noire, un texto bleuit mon écran. Emmanuel veut me voir. Macron a une proposition à me faire. Le président me presse de le rejoindre pour que lui et moi, bientôt à tu et à toi, nous évoquions un avenir commun. Je m’attends à rallier Le Touquet et la villégiature familiale du quadra réélu. Mais le chauffeur mutique poursuit jusqu’en baie de Somme et m’enjoint d’enfiler des bottes piquées d’humidité et un ciré qui sent le renfermé. Après une traversée brinquebalante dans une vieille barcasse, je finis par rejoindre un affût où se dissimulent d’ordinaire les chasseurs-pêcheurs de tradition.

J’aperçois dans la pénombre une silhouette plus fluette qu’imaginée. Cessant de jouer avec le grand cordon de la Légion d’honneur qui vient de lui être remis, il me saisit le poignet, plante son regard clair dans le mien et me dit qu’il veut que je devienne son Premier ministre. Surpris, j’ai un mouvement de recul et manque passer par-dessus le bastingage branlant de l’abri. Sa proposition m’interloque. Si elle m’honore, elle ne m’oblige en rien. Je suis un social-libertaire doublé d’un anticlérical libertin quand ce libéral est devenu assez illisible quant à ses positionnements. Ses convictions volent bas. A se demander si elles ne font pas office de paravent derrière lequel l’arlequin enfilerait ses panoplies. Mais je me garderais bien d’affirmer qu’il n’a pas de colonne vertébrale et qu’il joue avec les osselets de ses idées. Il est assez évident qu’il est pro-bu