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Libération
Conflit au Proche-Orient

La philosophe Judith Butler qualifie l’attaque du Hamas le 7 octobre d’«acte de résistance» et crée la polémique

Pour l’intellectuelle américaine, pionnière de la théorie du genre, le «massacre terrifiant» perpétré par l’organisation islamiste «n’est pas une attaque terroriste» ni «antisémite». Des propos tenus ce dimanche à Paris qui scandalisent.
Judith Butler, à Madrid, en octobre 2022. (Ricardo Rubio /Europa Press via Getty Images)
publié le 7 mars 2024 à 15h17

Une récidive. Deux mois après l’offensive sanglante du Hamas en Israël, Judith Butler, philosophe américaine, star de la gauche radicale, se voyait reprocher des propos qu’elle avait tenus sur le conflit au Proche-Orient il y a près de vingt ans. Une courte vidéo refaisait surface sur les réseaux sociaux : on y voyait la théoricienne du genre expliquer sur le Hamas et le Hezbollah sont des «mouvements sociaux progressistes de gauche». L’intellectuelle de 67 ans avait été contrainte de revenir sur sa pensée, renvoyant à un texte publié dans la revue AOC où elle condamnait le «massacre terrifiant et révoltant» commis par l’organisation terroriste le 7 octobre en Israël.

Mais voilà qu’elle a décidé d’en remettre une couche. Invitée aux tables rondes d’un collectif d’associations décoloniales et antisionistes le dimanche 3 mars, la professeure à Berkeley a qualifié les événements du 7 octobre d’«acte de résistance». La séquence complète de son intervention est disponible en ligne : «Nous pouvons avoir des positions différentes sur le Hamas comme organisation politique ainsi que sur la résistance armée», déclare Judith Butler lors de cette rencontre intitulée «Contre l’antisémitisme et son instrumentalisation, pour la paix révolutionnaire en Palestine», et coorganisée par le média Paroles d’Honneur et des organisations d’extrême gauche telles que le NPA ou Révolution permanente. «Mais je pense qu’il est plus honnête, et plus correct historiquement, de dire que le soulèvement du 7 octobre était un acte de résistance armée.» Et de poursuivre : «Ce n’est pas une attaque terroriste et ce n’est pas une attaque antisémite. C’était une attaque contre les Israéliens et vous savez, je n’ai pas aimé cette attaque, je l’ai dit publiquement, j’ai eu des problèmes pour avoir dit ce que j’ai dit.»

Avec une telle sortie, les problèmes ne sont pas près de s’arrêter. Cette nouvelle prise de parole risque en effet de discréditer durablement cette personnalité majeure de la pensée contemporaine, notamment autrice de Trouble dans le genre (Gender Trouble), un essai pionner de la théorie queer. Mardi, l’Ecole normale supérieure (ENS) annonçait le report de deux conférences de Judith Butler sur le thème du deuil prévues le 6 et 13 mars, «en accord avec elle et tous les organisateurs.» Déjà en décembre, la mairie de Paris avait annulé la tenue d’une conférence pour la paix où elle devait intervenir au nom de la Jewish Voice of Peace, une association juive antisioniste dont elle est membre. La ville de Paris avait justifié sa décision en raison «de possibles troubles à l’ordre public». Judith Butler est en ce moment à l’affiche du Centre Pompidou, où elle est l’invitée d’honneur jusqu’au 28 avril 2024.