Je suis un animal brutal, fatigué d’être l’objet de débats toujours plus carnassiers. Je suis un mauvais bougre, bas du front et encornant qui passe à portée, terrifiant autant que terrifié. Les derniers aficionados du sud de la France aimeraient continuer à faire de moi un héros sacrifié, quand les antispécistes à la sensiblerie verdie arrosent de larmes de crocodile mon échine transpercée et ma nuque ensanglantée. Je suis le prince noir d’une tradition taurine que beaucoup voudraient abolir, à la suite d’Aymeric Caron, récent député LFI qui, à l’Assemblée nationale, rêve de me faire passer de vie à trépas. Je suis une force fauve qui ne fascine plus une époque effrayée par les ombres morbides que je dessine sur le sable des arènes. Je suis le fossoyeur de vos peurs à l’heure où épidémies généralisées et guerres de proximité devraient pourtant obliger à regarder en face le tragique de l’existence. Je suis le support de projections antagonistes et le suppôt de diableries archaïques comme de tabous modernisés. Il y a ceux qui m’adulent comme une ancienne idole, mais ne veulent pas renoncer à ma mise à mort. Et il y a ceux qui prétendent m’épargner cette destinée obligée, tout en éteignant l’espèce à laquelle j’appartiens.
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On pense pour moi qui n’ai conscience de rien. On argumente à ma place, moi