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Chronique «Ré/Jouissances»

Lamento d’un toro bravo

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Chronique «Ré/Jouissances»dossier
Monologue d’un taureau de combat plus inquiet que soulagé de l’interdiction de la corrida exigée par Aymeric Caron et autres animalistes.
La proposition de loi du député Caron contre la tauromachie doit être débattue à l’Assemblée nationale le 24 novembre. (Frédéric Scheiber /Hans Lucas. AFP)
publié le 22 novembre 2022 à 2h07

Je suis un animal brutal, fatigué d’être l’objet de débats toujours plus carnassiers. Je suis un mauvais bougre, bas du front et encornant qui passe à portée, terrifiant autant que terrifié. Les derniers aficionados du sud de la France aimeraient continuer à faire de moi un héros sacrifié, quand les antispécistes à la sensiblerie verdie arrosent de larmes de crocodile mon échine transpercée et ma nuque ensanglantée. Je suis le prince noir d’une tradition taurine que beaucoup voudraient abolir, à la suite d’Aymeric Caron, récent député LFI qui, à l’Assemblée nationale, rêve de me faire passer de vie à trépas. Je suis une force fauve qui ne fascine plus une époque effrayée par les ombres morbides que je dessine sur le sable des arènes. Je suis le fossoyeur de vos peurs à l’heure où épidémies généralisées et guerres de proximité devraient pourtant obliger à regarder en face le tragique de l’existence. Je suis le support de projections antagonistes et le suppôt de diableries archaïques comme de tabous modernisés. Il y a ceux qui m’adulent comme une ancienne idole, mais ne veulent pas renoncer à ma mise à mort. Et il y a ceux qui prétendent m’épargner cette destinée obligée, tout en éteignant l’espèce à laquelle j’appartiens.

On pense pour moi qui n’ai conscience de rien. On argumente à ma place, moi